Sa beauté ténébreuse rayonne de mille feux. Je ne me figurais pas qu'elle pouvait être aussi éblouissante.
Incrédule, mon regard parcourt pour la première fois ses traits féminins et s'arrête sur chacune de leurs caractéristiques douces et affirmées en même temps. Il détaille d'abord l'harmonie de ce visage rond, encadré de larges boucles brunes ; les grands yeux sombres taillés en amande qui attirent immédiatement l'attention tant ils semblent briller de noirceur ; les longs cils recourbés qui effleurent presque les sourcils, ni trop fins ni trop fournis ; les pommettes hautes et saillantes qui renforcent l'aspect franc, à la limite du sévère.
Le bas du visage, quant à lui, est beaucoup plus ouvert. Il respire une douceur érotique avec son nez petit et un peu busqué, ses joues rondes et colorées, et sa bouche pulpeuse et charnue.
Le charme de cette femme est indiscutable. Il s'agit là d'un parfait mélange entre pureté, synonyme d'enfance et d'innocence, et sensualité brute. La couleur mate et satinée de sa peau – un rappel évident de ses origines d'Amérique centrale ou du Sud, à l'instar de son nez et l'arrondi de son visage – rend l'ensemble plus captivant encore.
Je reviens toutefois très souvent à ses orbes profonds durant ma contemplation muette. À eux seuls, ils m'envoûtent et m'ensorcellent. Leur pouvoir d'attraction va jusqu'à faire grésiller mon sang dans mes veines et dans mes tempes, me donnant l'impression déstabilisante d'être devenu une souris prise au piège par un serpent charmeur.
Néanmoins, le reptile qui me fait face ne paraît pas avoir plus de contrôle sur ce qui nous arrive que moi. Silencieuse et fascinée, Eleuia ne peut détacher son regard trouble du mien. Elle me jauge, la bouche entrouverte pour laisser passer son souffle pesant, terrassée par l'espèce de maléfice qu'on nous a jeté.
À chaque expiration de sa part, son haleine fraîche me percute tant nous sommes proches, et déclenche de courts frissons sur ma peau. Une nouvelle onde s'élève en moi au même moment, brûlante et incisive, prête à me briser les os si je ne prends pas garde à son intensité. Le rythme de mon cœur devient de plus en plus anarchique à chaque seconde qui passe ; il va finir par avoir raison de moi si je ne parviens pas à le calmer. De la même manière que les sensations bouillantes dans mon corps menacent de m'achever.
Toutefois, l'agonie de mon être ainsi que sa souffrance relative ne m'atteignent pas outre mesure. Elles devraient pourtant, mais la force gravitationnelle qui me rend prisonnier d'Eleuia les transcende. Cette femme... est la seule chose désormais qui revêt une importance capitale pour moi. Je me noie dans ses prunelles étincelantes, me soumets à sa splendeur obscure, m'enchaîne aux secrets tapis au fond de son être.
Tout cela semble fou, je le sais bien. Tout ce que je vis depuis cette dernière heure est au-delà du rationnel. Et cette folie n'est pas que passagère, elle va régir ma vie jusqu'au bout, me priver de mon maigre libre arbitre. Le changement s'opère, il sue par tous les pores de mon corps. Il balaie l'ancien Allan Ford et l'éjecte de son enveloppe usée. Mon avilissement à cette puissance qui me dépasse est total, irrémédiable. Et il est catalysé par le regard noir comme l'ébène qui ne me lâche plus.
Je ne sais ni pourquoi ni comment, mais Eleuia et moi sommes...
Liés.
Ma voix interne exulte, répète ce mot avec un soulagement et une joie outranciers qui me statufient. Grisée par ce constat que je ne comprends pas, elle cogne et résonne plus fortement dans ma boîte crânienne au fil des secondes. Elle se mêle avec délice à la soumission inexpliquée de mon être, rêvant de me voir toucher la main, ou mieux encore, le visage gracile d'Eleuia. Tout en moi me pousse à le faire, à vrai dire. Mes doigts tremblants sur le sol ont d'ailleurs commencé à se rapprocher de la guerrière, millimètre après millimètre.
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Anien Don I - Entre Deux Mondes
ParanormalSocrate nous disait qu'il ne savait qu'une chose, c'était qu'il ne savait rien. Il admettait l'ignorance et les limites de son être. Mais le jeune Allan Ford, plongé dans le désarroi, ne trouve rien de plus angoissant que de ne pas savoir de quoi il...