Chapitre 33

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— Allez, les gars, bougez-vous un peu !

Un grognement sourd accueille les réprimandes désagréables de Gillian. Postée sur ses deux pieds fermes, la jeune blonde nous observe tour à tour, les bras croisés sur sa poitrine.

— Je vous avais prévenus de ne pas vous lancer dans un entraînement aussi rude ce matin. Vous saviez que j'allais avoir besoin de vous, poursuit-elle, les yeux levés au ciel d'exaspération.

Nouveau grommellement dans l'assemblée. Sander, affalé sur ma droite, ses mains pressées sur son front transpirant, se redresse un peu pour toiser la sorcière.

— Au lieu de nous houspiller, laisse-nous récupérer tranquillement, halète-t-il. On viendra t'aider après. On est bon à rien là, de toute façon.

— La faute à qui ?

Les ronchonnements de Reun accueillent cette nouvelle pique, ce qui motive davantage la sorcière à nous faire la leçon.

— Vous vous comportez comme des abrutis aujourd'hui.

Son regard émeraude s'arrête une seconde de plus sur moi, tandis que mon autre mentor retrouve lui aussi sa verve pour défendre notre comportement.

— Je vous rappelle quand même que nos invités ne vont plus tarder à arriver ! s'écrie encore Gillian, indifférente à nos protestations.

Ah, oui... Les invités. Enfin, les deux clans alliés qui doivent investir l'aile sud, aujourd'hui ou demain au plus tard. Gillian nous a engagés pour le restant de la journée et attend de nous que nous nettoyions et préparions les dernières chambres en quelques heures. Lorsque son regard revient plus longuement sur moi, je le soutiens sans broncher et commence un combat silencieux contre ma guide.

Elle comme moi savons que c'est de ma faute si les gars et moi nous trouvons dans cet état de fatigue. Reun, Sander et Kalon n'ont fait que suivre le mouvement. Pour se défouler, mais surtout pour me soutenir dans mon acharnement sportif.

Depuis le départ d'Eleuia, il y a neuf jours de cela, je suis tout le temps sur les nerfs et d'une humeur exécrable.

Je passe mes journées soit enfermé dans ma chambre à ruminer, soit dans une des nombreuses salles de sport pour me vider et la tête et le corps. Tout le monde sait pourquoi j'agis de cette manière, mais personne n'en parle franchement. Sander a d'ailleurs été le premier à m'épauler, prétextant vouloir intensifier ses entraînements en ma compagnie. Les autres se sont glissés dans notre duo d'acharnés avec ces mêmes excuses bidons.

Le pire dans toute cette histoire, c'est que rien, pas même le dessin, ne me soustrait à mon malheur et à mon impatience de revoir ma liée. Les heures, les minutes qui passent sans nous rapprocher de nos retrouvailles me rendent à cran, presque trop violent. En à peine deux jours, j'ai bousillé une paire de gants, une caisse d'accessoires et des anneaux d'élévation. Dieu soit loué, je sais encore me maîtriser un minimum face à mes compagnons. Aucun n'a subi directement ma mauvaise humeur.

Cela dit, la donne va peut-être changer avec Gillian...

La sorcière n'apprécie pas mon comportement de cette dernière semaine. Bien qu'elle entende et comprenne ma peine, elle ne supporte pas de me voir m'enfoncer ainsi. Ça l'effraie, la met en colère... parce qu'elle ne sait pas quoi faire pour m'aider. Ou plutôt, parce qu'elle a conscience qu'elle ne peut rien faire pour m'aider. Et, pour ne rien arranger, mon attitude à la limite du je-m'en-foutisme – comprendre ici que j'essaie de sauver la face le plus puérilement du monde en faisant comme si je n'avais aucun souci, qu'il ne se passait rien – lui fait perdre patience à force...

Anien Don I - Entre Deux MondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant