Chapitre 9

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Lorsque Sander et moi franchissons le seuil, un silence assourdissant tombe dans le réfectoire. Une dizaine de paires d'yeux se plante dans mon regard et fait courir un long frisson sur mon échine.

Bel accueil...

Chaque faciès se pare d'un air de défiance à mon endroit, ce qui ne me rassure guère. Mon accompagnateur n'est pas ravi non plus, je le sens se tendre à mon côté. Il essaie toutefois de ne pas s'alarmer outre mesure et décide de s'avancer de quelques pas dans la pièce. Apeuré à l'idée de le voir s'éloigner, je ne le quitte pas d'une semelle bien que je ne me réjouisse pas de son initiative. Ne pourrait-on pas revenir plus tard plutôt ? Quand les lieux seront vidés et qu'aucune menace ne planera plus dans l'air... ?

Je déglutis avec difficulté, évite tous ces coups d'œil insondables en baissant la tête sur mes chaussures, et suis le sillage de Sander sans bruit. Hélas, ma tentative de discrétion pour me faire oublier ne fonctionne pas : j'entends distinctement des pieds de chaise racler le sol, suivis par le bruit de foulées allègres. Quelqu'un vient vers nous et quelque chose me dit que ce n'est pas juste pour sortir du réfectoire...

— Alors c'est lui l'hybride dont tout le monde parle ? s'exclame une voix d'homme à quelques centimètres de mon guide. J'avoue que je m'attendais à quelque chose de plus spectaculaire...

— L'odeur qu'il dégage me semble assez spectaculaire, à moi, argue une autre voix aux intonations plus fébriles. Je comprends les autres, j'avoue qu'à moi aussi il me donne faim.

— Tout doux, les gars ! intervient l'homme-montagne alors que je redresse le menton pour observer les hôtes de Necahual. On se détend et on reste calme.

Le premier homme rit sans me lâcher de son regard brut, tandis que le deuxième scanne ma silhouette de haut en bas. Je découvre également une troisième personne avec eux, qui arbore une expression plus distante que ses comparses. Tout cela n'augure rien qui vaille...

— Allan et moi désirons juste manger un morceau en toute tranquillité, reprend Sander sans desserrer les dents. Nous n'avons pas le temps pour vos gamineries.

— Quelles gamineries ? Voyons, Sander, nous ne faisons rien de mal !

Pour l'instant.

Une même tension que celle de mon voisin court dans mes muscles à mesure que je détaille leurs traits. Le premier intervenant a un sourire trop large pour être sincère. Il est évident qu'il nous a alpagués dans le seul but de nous chercher des ennuis et pour s'amuser un peu. Le deuxième me donne tout bonnement la chair de poule : ses prunelles avides qui ne me lâchent pas crient l'envie délirante qu'il a de me... manger. Et le dernier, même s'il n'a pas ouvert la bouche jusque-là, ne m'est pas plus sympathique que les deux autres.

Alors, envoie-les valser dans le décor.

Je fronce les sourcils à l'entente du nouveau conseil de ma voix interne. Mais qu'est-ce qu'elle raconte ?

Deux d'entre eux te veulent du mal, tu l'as dit toi-même. Attaque-les avant qu'ils le fassent.

— Tu sais, nous aussi on aimerait bien l'aider, Allan, poursuit celui au sourire trop grand. On peut être de très bons guides et mentors.

— Ne m'oblige pas à vous en coller une, Fallon...

— Que d'agressivité ! se récrie l'interpellé devant les poings contractés du géant. Il nous intéresse vraiment, cet hybride ! On veut le tester un peu, voir en quoi il est si spécial...

Anien Don I - Entre Deux MondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant