Chapitre 23

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— Bon sang... Nous savions qu'il y avait des risques, mais autant... Quelle catastrophe.

Necahual secoue gravement la tête, atterré. Debout devant son large bureau, il pose un regard plein de pitié et de douleur brute sur nous, le front plissé.

Voilà une bonne heure que nous sommes auprès de lui et que nous lui racontons les péripéties de notre court séjour en Californie. Notre compte-rendu est difficile à avaler pour notre hôte : il se sent responsable de ce qui nous est arrivé, mais lui comme nous savions que nous n'avions pas vraiment le choix de faire autrement. Moi mieux que tous les autres. Plus que quiconque, je souhaite mieux comprendre qui je suis et ce dont je suis capable. Et toute occasion d'en apprendre plus, même si elle est dangereuse, est bonne à saisir. Certes, mettre mes compagnons en danger ne me ravit pas, cependant je sais que sans eux je ne m'en sortirais pas.

Ils sont mes piliers. J'ai une chance inestimable de les avoir. Même s'ils me cachent parfois certaines vérités indispensables...

— Vous n'avez reçu aucune nouvelle d'Amada ? l'interrogé-je, en visualisant le visage faussement angélique de la sirène.

— Non. Mais je ne m'en fais pas trop pour elle, dit le patriarche, l'ombre d'un faible sourire sur la bouche. Je suis d'accord avec Amada Lynch lorsqu'elle vous a assuré avoir plus d'un tour dans son sac. Cette femme sait toujours comment se sortir des pires situations.

— Pourtant, une partie de son building a brûlé...

La remarque à peine chuchotée de Gillian est vraie : à notre atterrissage, nous avons surpris les images de l'édifice fumant aux informations nationales. La partie droite de la tour, là où se trouvaient les quartiers de la PDG, a été incendiée. Les premières supputations humaines penchent pour un attentat terroriste.

Ils ne sont pas si loin de la vérité...

— J'ai vu les images comme vous, reprend Necahual sans se départir de son calme légendaire, cependant je suis confiant. Je sais qu'elle s'en est sortie. Amada sait toujours comment s'en sortir.

— Comment pouvez-vous en être si sûr ? lui opposé-je, les sourcils froncés devant sa confiance inflexible.

— Parce qu'elle a su se tirer de bien pire que cela par le passé... Et parce qu'il s'agit d'Amada Lynch. Elle est plus déterminée et futée que le commun d'entre nous.

Une lueur éclaire son regard brun tandis qu'un rictus plus enjoué prend possession de ses traits. Il semble vraiment sûr de lui, sûr de ses conclusions. Je hoche pensivement la tête, aussi admiratif que dubitatif pour le coup, et ce mouvement attire à nouveau l'attention du Maya sur moi.

— Vous l'appréciez, me lance-t-il, ses mots résonnant plus comme une affirmation qu'une question.

Je détourne le regard, mal à l'aise, et évite de me tortiller sur place.

— Je ne sais pas, réponds-je avec honnêteté.

— Vous pouvez, vous savez. C'est un être certes très froid et bien souvent dédaigneux, mais qui n'en reste pas moins remarquable et doté d'une intelligence et d'une perspicacité à toute épreuve. Elle sait vraiment lire dans les gens, pas juste dans leurs pensées. Elle comprend qui ils sont, même si à de trop nombreuses reprises, elle le fait savoir d'une manière sèche et blessante.

— Vous l'appréciez. Vous l'admirez, en conclus-je.

— Oui. Elle a beau avoir un sale caractère et rendre chèvre tout le monde, même le plus stoïque d'entre nous, je l'apprécie, c'est vrai.

Anien Don I - Entre Deux MondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant