— Hum... Pardon de vous déranger !
La voix gênée de Sander retentit dans mon dos, ce qui m'oblige à me détacher des lèvres d'Eleuia. Le berserker se tient dans l'embrasure, l'air vraiment désolé de nous couper dans ce moment d'intimité. Je pousse un soupir tout en m'écartant de ma liée. Au vu de la sincérité sur ses traits, j'envisagerais presque de lui pardonner son intrusion fortuite au pire moment qui soit. Presque...
— Qu'est-ce que tu fais là, Sander ? lui demandé-je, une fois remis debout.
— Les autres ont insisté pour que je vienne vous proposer de boire un coup avec nous, à côté. On aimerait trinquer tous ensemble à notre future victoire.
Je ne réponds pas tout de suite. J'ai encore du mal à bien comprendre cette tradition qui veut que des combattants fassent la fête avant une guerre. Je veux bien qu'ils aient besoin de se donner un peu de baume au cœur, mais tout de même... C'est assez particulier, en soi !
— Tu voudrais y aller ? fais-je en me tournant vers Eleuia. On pourrait revenir terminer notre repas après.
— Pourquoi pas ? acquiesce-t-elle avec un petit sourire. Je suppose que nous ne pouvons pas négliger cette coutume...
— Tu m'ôtes les mots de la bouche, Ele ! s'exclame notre ami avec un clin d'œil. Allez, venez ! Un verre et ensuite, vous serez libres comme l'air.
Je lève les yeux au ciel, amusé par l'état un peu pompette de mon meilleur ami, puis tends la main à la belle brune pour l'escorter jusqu'à la sortie. Laissant Sander nous passer devant, je pivote vers Eleuia.
— Tu es sûre de vouloir y aller ? vérifié-je une nouvelle fois, préoccupé. Les autres risquent de comprendre que nous étions...
— Ce n'est pas grave, assure-t-elle. Ne t'en fais pas.
— Mais je croyais que...
Je ne vais pas au bout de ma pensée, car déjà Sander annonce notre arrivée à la quinzaine de personnes présentes dans le réfectoire.
— Hé ! Ça fait plaisir de vous voir ! nous accueille Reun en levant la bière qu'il a en main.
— Vous êtes plus beaux que nous ! Vos tenues sont magnifiques, s'extasie Darcy avec un sifflement appréciateur.
— Qu'est-ce que vous buvez ? nous lance en même temps mon mentor.
Nous lui répondons une bière, comme les autres. Il nous la sert et lève bien haut son propre breuvage pour trinquer.
— À notre réussite ! À la guerre que nous allons gagner !
Les convives approuvent et crient les mêmes phrases à sa suite, survoltés.
— Et à notre avenir plus heureux, conclut le géant avec un coup d'œil tendre pour Gillian, non loin de lui.
La sorcière sourit et rosit en même temps, puis elle entrechoque son verre aux nôtres. Mon regard parcourt l'assemblée, s'attarde sur les différentes personnes qui rient ou discutent à grand renfort de gestes du bras. J'entends des bribes de conversations à droite et à gauche, les vagues jurons en espagnol de Joris, ainsi que l'éclat de rire profond d'Elias. La bonne humeur est au rendez-vous, tout le monde semble apprécier et profiter de ce temps d'accalmie. Darcy et Trent vont même jusqu'à monter le son de la musique pop qui se déverse depuis les enceintes, puis se mettent à danser au milieu de la pièce. Nous les applaudissons et les encourageons gaiement, sans arrêter de siroter nos boissons.
Au bout de quelques minutes, je reporte mon attention sur Eleuia, à quelques pas de moi, et échange un sourire avec elle lorsque ses prunelles fauves s'ancrent aux miennes. Elle paraît heureuse et détendue, l'air de passer une bonne soirée aussi, ce qui accentue mon sourire. Le pétillement de ses yeux fait plaisir à voir, il met encore plus en valeur leur teinte. Mais très vite, un nouvel éclat s'allume dans ses orbes et semble gagner en intensité à mesure que nous nous observons. Il m'interpelle, me retient captif de sa puissance... Et il finit par m'avaler tout entier au moment où ma liée franchit la distance qui nous sépare et plonge ses lèvres sur les miennes.
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Anien Don I - Entre Deux Mondes
ParanormalSocrate nous disait qu'il ne savait qu'une chose, c'était qu'il ne savait rien. Il admettait l'ignorance et les limites de son être. Mais le jeune Allan Ford, plongé dans le désarroi, ne trouve rien de plus angoissant que de ne pas savoir de quoi il...