Chapitre 7

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— Comment savez-vous cela ? l'interrogé-je, sceptique.

— C'est un aspect propre aux hybrides, tel que vous, Allan. Si vous n'êtes pas dès votre naissance insérés dans notre univers, entourés de représentants de votre espèce, vous vivez une « existence humaine » simple, mécanique.

— Vide, ajoute Conrad sans pouvoir – ou vouloir – s'en empêcher.

— Vous ne vous liez pas beaucoup avec ceux qui habitent votre environnement, rebondit le patriarche en foudroyant le jeune sur place, parce qu'inconsciemment vous êtes à la recherche de vos semblables. Vous nous cherchez sans bien le comprendre et sans bien l'avoir intégré, jusqu'à que vous tombiez enfin sur nous.

— Non... C'est... c'est trop.

— Vous êtes attirés par nous, et nous par vous. Nous nous reconnaissons mutuellement. C'est un peu comme si nous formions...

— Une famille, soufflé-je sans trop y croire.

— Une famille un peu informelle, je vous l'accorde, tempère Necahual avec un sourire doux aux lèvres.

— Vous n'êtes pas sérieux.

— Eh bien, il y a parfois quelques tensions entre nous bien sûr, comme vous pouvez le constater à l'heure actuelle, mais globalement notre fonctionnement ressemble à celui d'une vaste famille recomposée.

Quelques rires chaleureux accueillent ses explications au-dessus de nos têtes. Il sourit franchement et leur envoie un geste de la main en réponse à leur approbation, tandis que je secoue plusieurs fois la tête.

— Le problème reste toutefois inchangé dans mon cas, protesté-je à nouveau. Je ne peux pas disparaître du jour au lendemain. Et je ne peux pas non plus abandonner mon poste comme ça.

Et pourquoi pas ? N'as-tu déjà pas mille fois envisagé d'en démissionner ? N'y pensais-tu pas encore il y a quatre heures de cela ? Cette vie fait partie de ton passé, Allan. Ce qui t'attend ici, c'est ton avenir.

— Tu ne sembles pas saisir la nécessité de te retrouver ici, intervient soudain une femme mûre en se détachant du groupe. Même si Necahual a raison quant à tes capacités hors pair, je doute que tu puisses survivre loin des tiens, comme tu le prévois.

Ses jambes robustes la mènent à quelques centimètres de mon siège, ses prunelles bleu clair, et froides comme la glace, fixées sur moi.

— Notre chair, notre corps, et plus que tout notre sang, appellent à être réunis avec ceux de nos semblables. Nous dépérissons loin d'eux, nous nous affaiblissons. Les moins résistants d'entre nous perdent la tête avant de succomber. Ensemble en revanche, nous nous protégeons, nous soutenons. Nous apprenons des uns des autres. Nous devenons plus forts, plus maîtres de nous-mêmes.

Je ne moufte pas durant son laïus, fasciné par la ferveur qu'elle met dans ses mots. Cette femme croit dur comme fer à ce qu'elle dit, et plusieurs sifflements appréciateurs s'élèvent derrière nous. Je tourne sur moi-même et découvre le même feu, la même témérité se consumer dans chaque être à proximité.

Écoute-les, Allan. Ils savent de quoi ils parlent.

Consterné, je reviens face à Necahual, resté en retrait jusque-là.

— Ce qu'avance Marianne ici présente est vrai, Allan. Nous ne pouvons pas rester trop éloignés les uns des autres, encore moins lorsqu'il est question de « novices ». Vous êtes plus fragiles, plus vulnérables face à vos émotions, à vos changements internes... En plus de nécessiter un accompagnement dans votre acclimatation, vous risquez aussi de... déraper plus facilement.

Anien Don I - Entre Deux MondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant