Chapitre 38

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— N'oublie pas ce que je t'ai dit : en breton, l'élément le plus important ou l'information nouvelle de ta phrase doit la débuter. Puis la particule verbale, le verbe conjugué – généralement à l'impératif/troisième personne du singulier – et le reste. Vas-y, maintenant Allan, m'incite Gillian, ses mains placées bien à plat sur ses genoux.

Assis en tailleur en face de mon mentor, je rassemble les quelques mots qui me sont nécessaires pour cet exercice, j'inspire, puis me lance comme elle le souhaite.

Allan eo ma anv. Ganet on bet e Willow Creek. Ha pemp ploaz warn ugent on.

[ Allan est mon nom. Je suis né à Willow Creek. Et j'ai vingt-cinq ans. ]

— C'est bien, approuve la sorcière avec un sourire. Prêt à essayer de répondre à quelques questions maintenant ?

— On peut essayer, oui..., acquiescé-je timidement.

— Réponds bien à l'élément interrogatif de la question en premier, puis réapproprie-toi le reste de la formulation.

— En conjuguant le verbe à la première personne, complété-je avec un hochement de tête entendu.

Gant piv ez peus desket ar brezhoneg ?

[— Avec qui as-tu appris le breton ?]

Gant Gillian... em eus desket ar brezhoneg, déclaré-je lentement, le temps pour moi de traduire les mots dans ma tête.

[— Avec Gillian... j'ai appris le breton.]

— Formidable ! C'est très bien. Une question plus difficile maintenant : Piv zo da stummer muiañ karet etre Sander ha Gillian?

[— Qui est ton formateur préféré entre Sander et Gillian ?]

Je bats des cils, confus.

— Je ne vois pas bien comment répondre, là...

— Parce que la réponse n'est pas assez évidente à tes yeux ? me demande la blonde, avec un clin d'œil joueur.

— Non, ce n'est pas ça, répliqué-je en réfrénant un sourire amusé. Je sais que je dois répondre par le prénom en premier, mais après... je suis perdu. Je sens qu'il y a un piège.

— En quelque sorte. Nous n'avons pas encore vu les possessifs comme « mon, ton » et cætera, sourit mon interlocutrice. Mais ils ne sont pas très difficiles à retenir, rassure-toi. Ici, remplace juste le « da » par « ma » et lance-toi.

Gillian zo ma... stummer muiañ karet etre Sander ha Gillian, fais-je donc, ce qui déclenche le rictus fier de la sorcière.

[— Gillian est mon formateur préféré entre Sander et Gillian.]

Evel just!

[— Évidemment !]

Je m'esclaffe. Gillian rebondit ensuite sur les autres possessifs et je m'efforce de les mémoriser eux aussi, comme le reste des mots et expressions qu'elle m'a enseignés. De nouvelles minutes s'écoulent ainsi, elle me transmettant avec patience et lenteur ses leçons ondulant sur sa langue, et moi qui répète ce qu'elle me dit.

Sander nous rejoint alors au milieu de ce cours improvisé et passe ses énormes bras autour de la taille de la jeune femme, qui se met à rosir, mais sans le rejeter. L'homme-montagne, après avoir déposé un baiser dans sa chevelure tressée, s'enquiert du contenu de notre leçon du jour. Il me faut une petite poignée de secondes pour lui répondre, car durant ce laps de temps ma bouche reste figée dans un sourire immense et satisfait. Voilà trois semaines que la soirée a eu lieu et où Gillian a fait un grand pas en avant pour Sander et leur relation. Depuis, le couple s'affirme et se montre au grand jour. Ils sont métamorphosés, plus en phase et heureux ainsi. Je ne me lasse pas de voir leur bonheur.

Anien Don I - Entre Deux MondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant