Neuf

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Tout le monde a déjà connu ce moment de courage. Un courage inébranlable. Un courage qui provoque une montée d'adrénaline, vous poussant à prendre votre voiture et à conduire à l'endroit où toute cette vaillance sera très importante.

Et je suis également certaine que tout le monde a déjà connu ce moment de doute. Celui où tout votre courage s'éteint en l'espace d'une fraction de seconde et que votre idée, qui vous a pourtant semblé si géniale, paraît plutôt folle désormais. Presque irréalisable et surtout effrayante.

C'est ce qui est en train de se produire. Je pensais que faire cela avant mon petit voyage m'aiderait. Qu'en revenant, je serais une personne nouvelle. Que je devais le faire avant de partir.

Mais, en arrivant devant la demeure familiale, cette audace a disparu. Non pas parce que je ne suis plus déterminée à parler à mes parents, bien au contraire. Mais parce que, par la fenêtre, j'ai aperçu ma sœur et son mari.

C'est une chose d'affronter ses parents, c'en est une autre d'affronter ses parents ET sa sœur dans la même soirée. J'espérais pouvoir éviter cette dernière, mais il faut croire que le destin a décidé de me mettre des bâtons dans les roues.

Autant dire que je suis terrifiée et qu'il est pour le moment impossible pour moi de sortir de la voiture : mes jambes vont me lâcher aux premiers pas. Je pourrais très bien redémarrer, retourner chez moi et attendre sagement de m'envoler demain pour... ah oui, je n'ai toujours aucune idée de ma destination. Mais je suis encore plus terrorisée à l'idée de fuir une nouvelle fois. Effrayée de redevenir l'Abigail dépendante de ses parents et trop lâche pour vivre enfin pour elle.

Je suis en colère contre moi, une colère qui s'est accumulée depuis une bonne dizaine d'années et c'est cette émotion qui me pousse à sortir de ma voiture et à frapper comme une folle à la porte de la maison. Pour mon plus grand plaisir, c'est ma mère qui vient ouvrir. Il fallait que ce soit elle. De toute façon, mon père doit encore être affalé dans son éternel sofa.

— Abigail ? dit-elle, surprise avant de répondre sur un ton acerbe. Quand on te convie à des dîners, tu ne daignes pas te présenter, mais quand tu n'es pas invitée, tu montres enfin le bout de ton nez.

— Parce que j'ai besoin d'être invitée pour venir vous voir ? réponds-je sèchement avant d'entrer sans sa permission.

Je mettrai ma main à couper que ma chère mère a arboré, durant un quart de seconde, une moue indignée. Et cette image m'aurait fait rire, si ma mission ne m'obnubilait pas.

— Aby ? s'étonne ma sœur en se levant du canapé. Nous ne t'attendions pas, me fait-elle remarquer d'une voix hautaine.

— Je dérange peut-être ? dis-je en gardant une voix confiante et froide.

Comme je l'avais prédit, mon père est sagement installé à son endroit habituel, à lire son journal sans daigner lever le regard vers sa seconde fille. Quant à ma sœur, elle ne semble pas vraiment vouloir répondre à ma première petite pique et son mari, il est toujours aussi silencieux, mais son regard intrigué ne nous lâche pas, Candice et moi.

— Bon, eh bien, maintenant que tu es là, reprend ma mère, tu veux peut-être nous expliquer pourquoi tu as disparu ces dernières semaines ?

— Oui, je suis sûre que cela vous intéresse vraiment ! Ou il s'agit juste d'une question de courtoisie ?

— Oh, Aby, souffle ma mère en levant les yeux au ciel, tu es vraiment bizarre. Arrête donc ton cirque.

— Je t'arrête, maman, lui confirmé-je avec la voix un peu brisée. Mon cirque va se terminer ce soir. Et ne vous inquiétez pas, vous n'aurez plus à m'attendre pour les dîners ni pour aucun autre événement qui requiert le portrait de la famille idéale.

Scènes Coupées | Tome ☆ : Silence ! [/en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant