Quatorze

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Il y a quelque chose de poétique et de doux dans sa voix, dans ses paroles, dans ses gestes. Si bien que pendant ces quelques phrases, j'en oublie presque qui il est en dehors de ces murs. J'en oublie l'homme célèbre que tout le monde connaît, toujours à plaisanter lors des deux ou trois interviews sur lesquelles j'ai pu tomber par hasard en zappant à la télévision. Là, il est simplement un homme qui se sent petit face au cosmos si gigantesque, car infini.

— Enfin, tu verras ça ce soir, reprend-il après quelques secondes de silence. J'espère qu'il ne pleuvra pas.

Il semble totalement embarrassé par les propos qu'il vient de tenir, comme si ces derniers avaient été trop intimes et personnels pour les partager à qui que ce soit. Comme si s'ouvrir était gênant et déplacé. Il réagit... comme moi. Et c'est dur d'admettre que je suis également comme ça. Est-ce que moi aussi je m'empêche de dire la moindre de mes pensées quand je n'ai pas un écran entre nous ? Et, dans le cas où je le fais, est-ce que j'essaye de reprendre la parole pour faire oublier à mon interlocuteur ce que je viens de lui dire ? Probablement, mais je ne pourrais de toute façon pas oublier la manière avec laquelle Jake m'a avoué son admiration pour les étoiles. Je ne peux pas oublier son sourire rêveur qui a accompagné ses propos. Tout ça me donne encore plus hâte de découvrir le ciel étoilé ce soir.

— Je pense que ce serait bien que j'aille faire des courses, annonce-t-il en voyant que je ne prends pas la parole.

J'ouvre la bouche, prête à lui dire que je viens avec lui, mais Jake me prend de court.

— Pendant ce temps, dit-il en s'approchant de la baie vitrée, tu n'auras qu'à te reposer. Ta chambre est la première à gauche quand tu montes. Oh ! Et tu peux appeler Lily, il y a un téléphone dans le salon. Je pense que je serais revenu dans moins d'une heure... Si tu dors, tu préfères que je te réveille à une heure en particulier ?

Mon cerveau est en train de recevoir trop d'informations et Jake semble avoir changé de caractère, passant de l'homme rêveur à celui qui parle pour cacher sa gêne. Sauf que cela ne marche pas, je vois très bien qu'il semble ennuyé. Le problème, c'est que c'est désormais moi qui suis un peu perdue, si bien qu'au lieu de prétexter n'importe quoi pour venir avec lui, je réponds simplement :

— Dans deux heures.

En moins d'une seconde, après m'avoir gratifié d'un sourire, Jake n'est plus dans mon champ de vision. Je reste bêtement sur la terrasse jusqu'à ce que j'entende le moteur de la voiture. Puis, plus rien. Seulement Nautilus à mes pieds, essoufflé de sa balade dans la maison.

— Je n'y comprends vraiment rien, murmuré-je à moi-même avant de rentrer à l'intérieur.

Je suis un peu dans un état second, à cause du décalage horaire, mais également de Jake, si bien que je traverse le salon et la salle à manger, une nouvelle fois sans leur prêter attention.

Pense-t-il que je vais retranscrire ses paroles et tout envoyer à la presse ? Si c'est le cas, je ne comprends absolument pas ce que je fais ici. Nous allions être sept jours ensemble, s'attend-il simplement à ce que l'on regarde des films sans se parler ? Il a paru pourtant tellement... à l'aise dans la voiture. Je ne saisis vraiment pas ce qui a bien pu se passer ! Ce n'est absolument pas honteux pour quelqu'un d'aimer regarder les étoiles et de trouver cela formidablement beau ! C'est même tout à fait naturel, enfin je trouve. Qui n'aime pas regarder les étoiles ?

Mes pas me mènent face à l'escalier qui se trouve dans le hall d'entrée. Je jette un œil à ma valise, mais je n'ai pas la force de la porter et, pour une simple sieste, je ne vois pas l'intérêt de l'avoir.

Scènes Coupées | Tome ☆ : Silence ! [/en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant