Vingt-cinq

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J'ai à peine eu le temps d'émerger de mon sommeil que j'ai compris que quelque chose clochait. Et ce n'est pas tant soit le fait que je ne me trouve pas dans mon lit, ni même dans mon appartement, car ce n'est pas bien grave : je sais où je suis, je reconnais l'endroit entre mille comme étant la chambre de Lily. Non, ce qui me fait me redresser, c'est l'absence de souvenirs. Je devrais me sentir apaisée d'être ici, en sécurité, chez la personne en qui j'ai le plus confiance. Mais, ne pas savoir, c'est un sentiment horrible.

Mon Dieu, j'espère tellement ne pas avoir fait un malaise devant Carver Marsh... Bien que ça doit lui arriver assez souvent.

Je sors doucement du lit, la tête en vrac et l'estomac dans les talons. Il faut que je rejoigne l'autre occupante de la maison au plus vite. J'arrive à me mettre debout assez longtemps pour constater une chose : ça faisait très longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi fatiguée et mal. Une fois arrivée dans le salon, je me laisse tomber sur le canapé jaune canari de Lily, cette dernière en tailleur et, désormais, moi à ses côtés avec le teint fatigué et des cernes gros comme un cratère d'après l'application miroir que ma meilleure amie a sur son téléphone.

— J'ai bien cru que tu allais mourir, m'annonce-t-elle le regard fixé sur la télévision et la bouche pleine de chips.

— Le jour où ce sera vraiment le cas, commencé-je à dire en posant ma tête sur le dossier du canapé, j'espère que tu m'emmèneras à l'hôpital. Ou, au moins, que tu seras à mon chevet plutôt qu'à regarder je ne sais quelle émission.

— Tout dépendra du temps qu'il te restera à vivre, réplique-t-elle le plus sérieusement possible et avec un sourire en coin, j'ai plein d'épisodes à rattraper.

Je lui donne un léger coup de coude avant de déposer ma tête sur son épaule.

— Dis-moi ce qui s'est passé, bafouillé-je d'une voix anxieuse. Je veux dire... à l'aéroport. J'ai fait un malaise ?

— Non, me contredit-elle, tu n'étais vraiment pas ton état normal, ça c'est sûr. J'ai presque dû te porter jusqu'au taxi.

— Et tu as fait comment avec ma valise si tu devais me porter ?

— Bon, disons que je portais la valise et qu'un charmant jeune homme s'est chargé de toi.

Je relève la tête et soupire.

— Tu ne te souviens vraiment de rien ? s'étonne-t-elle. Tu ne te souviens même pas que tu as...

Lily laisse sa phrase en suspens, non sans essayer de dissimuler un certain amusement dans ses yeux. Elle se réjouit presque de la situation, de me voir aussi perdue. Des tonnes d'idées me traversent l'esprit et je suis bien trop terrifiée que l'une d'elles se révèle être exacte, alors je reprends aussitôt la parole.

— D'avoir fait quoi Lily ? murmuré-je d'une voix tremblante.

— Tu l'as embrassé, Aby ! m'avoue-t-elle avec un calme sidérant.

Je fais de gros yeux avant d'ouvrir la bouche, absolument choquée d'avoir été capable d'un tel acte. Comment ai-je pu embrasser un inconnu ? Certes, un rien sexy et qui se trouve être un collègue d'un ami, mais quand même. Mon Dieu, et si on nous avait pris en photo ? Que va penser Jake ? Et Carver ? Comment a-t-il réagi ? Comment...

C'est là que Lily éclate de rire comme jamais auparavant. À une vitesse hallucinante, elle devient rouge et se met à pleurer. Toute cette angoisse qui est née en moi ces dix dernières secondes s'évapore à la même vitesse. Ma meilleure amie n'a rien trouvé de mieux à faire, au vu de mon état de santé, de rajouter une blague de très, mais alors de très, mauvais goût.

Scènes Coupées | Tome ☆ : Silence ! [/en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant