Douze

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Est-ce que je peux au moins savoir combien de temps ça va prendre ? le questionné-je alors que nous sortons du quartier résidentiel de Bel Air.

— À peu près une heure et demie, répond-il avant de me demander, pourquoi ?

— Donc nous sommes partis pour une heure et demie de route sans espoir de s'échapper ? récapitulé-je avec un sourire en coin.

— C'est exact, répond-il en me lançant un regard d'incompréhension. De nous deux, c'est toi qui fais peur, Aby !

— Je te fais peur ? Que c'est mignon !

— Ne te moque pas et dis-moi ce qui se cache dans ta tête...

— Pendant une heure et demie, tu ne vas pas pouvoir t'enfuir et tu vas devoir répondre à toutes mes questions.

— J'imagine que je n'ai pas le choix, n'est-ce pas ?

— C'est ça ou alors on met la radio et je chante. Je t'assure, il vaut mieux éviter ça.

— Alors j'ai également le droit de te poser des questions, ajoute-t-il en arrivant sur l'autoroute.

— Honnêtement, je ne vois pas ce que tu veux savoir de plus sur moi ! C'est plutôt à moi de te découvrir.

— Ce n'est pas en quelques heures de conversations pendant des semaines qu'on peut connaître une personne.

— Certes, mais d'un point de vue technique, j'ai beaucoup de retard à rattraper contrairement à toi.

— C'est juste que je n'ai pas envie de parler pendant une heure et demie comme si j'étais chez un psychologue, admet-il, un peu gêné.

— Je pensais que les acteurs adoraient avoir l'attention sur eux.

— Préjugé, affirme-t-il.

J'arque un sourcil et le regarde. Mon soudain silence semble l'interpeller, au point qu'il me lance un regard, avant de rétorquer :

— Ben quoi ?

— Oh, s'il te plaît, je suis sûre que beaucoup d'actrices et d'acteurs ont choisi cette voie pour l'argent et la popularité. Pour être sous le feu des projecteurs.

— Peut-être en parti oui. Mais nous ne sommes pas tous comme ça.

— D'accord, alors dis-moi pourquoi tu as choisi ce métier ?

Jake ouvre la bouche avant de la refermer et de rester silencieux pendant cinq longues secondes. Il semble vouloir se concentrer sur la route, mais je remarque qu'il y a autre chose.

— Jake ?

— Tu as failli m'avoir ! finit-il par dire avec un sourire amusé.

— Comment ça ?

— Je t'ai dit que je n'avais pas envie de parler pendant toute la durée du trajet, alors tu rebondis sur les acteurs et leur soif de la reconnaissance pour ensuite me poser une question personnelle à ce sujet. C'est bien joué, mademoiselle Griffiths.

— Si ça avait été aussi bien joué, monsieur Cameron, l'informé-je avec une moue attristée, vous auriez répondu à la question !

— Je ne savais pas ce que je voulais faire dans la vie, répond-il finalement.

Quelque chose de bizarre se passe en moi. Ou plutôt, quelque chose de ridicule. C'est comme si, à partir de ce moment, je voyais réellement Jake comme un être humain. Je sais que c'est absurde, toutes les célébrités sont, génétiquement parlant en tout cas, des êtres humains. Je dois l'avouer, je percevais Jake comme un robot. Jake est simplement un homme qui, en étant plus jeune, a dû également choisir sa route comme tout le monde. Le fait qu'il me dise enfin quelque chose de personnel, en tout cas c'est mon ressenti, le rend plus humain à mes yeux, plus vrai.

Scènes Coupées | Tome ☆ : Silence ! [/en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant