Quarante-cinq

222 25 10
                                    


Nous nous sommes couchées à quatre heures du matin. Lily s'est endormie assez vite. Je l'envie : je n'ai pas pu fermer l'œil une seule seconde, accrochée à mon téléphone portable, attendant un appel qui n'est pas arrivé. Et même s'il m'avait appelé, qu'aurais-je pu lui dire ?

J'ai essayé de faire la conversation dans ma tête toute la nuit, mais rien ne m'a semblé très crédible.

« Hey Jake, c'est bizarre, mais je t'ai aperçu hier dans mon immeuble. C'était toi ? »

Si sa réponse avait été négative, il se serait probablement s'inquiéter. Après tout, je suis son amie, non ?

Par contre, si sa réponse avait été positive, les rôles auraient être inversés, parce que je n'aurais pas pourquoi. De plus, s'il était en ce moment même en Angleterre, il m'aurait certainement répondu, non ? Il ne semblait pas occupé dans la cage d'escalier...

Je vois très bien comment aurait terminé la première issue, la négative : un Jake qui se ferait des soucis et moi à l'hôpital pour faire des examens et rassurer mes deux amis. Mais la deuxième, je n'ai aucun moyen d'en savoir l'issu, parce que c'est lui qui a toutes les réponses.

Toute la nuit, mes pensées se sont donc tournées vers lui. Je me suis demandé si tout cela avait été bien réel.

Pourquoi n'ai-je rien remarqué avant ? Qu'est-ce qui peut bien m'attirer autant vers lui ?

Je me suis repassé des dizaines et des dizaines de moments, oscillant entre sourire et larmes si rapidement que les deux se sont mélangés plusieurs fois. Ce n'est qu'au réveil que la réalité me percute de plein fouet, merci à Lily.

— Que vas-tu faire concernant Carver ? m'interroge-t-elle en préparant des crêpes pour le petit déjeuner.

J'aurais bien voulu perdre mon sourire, car ça aurait voulu dire que j'en avais un. Mais il a disparu il y a un peu plus d'une heure, quand j'ai quitté le lit de Lily et que je me suis réfugiée sur le fauteuil, zappant la télévision à la recherche de quelque chose qui pourrait me changer les esprits.

Non. Alors au lieu de perdre un sourire que je n'ai pas, c'est une douleur au ventre qui commence à faire son apparition. Une douleur, un poids, quelque chose qui me compresse de l'intérieur.

Carver.

Comment lui expliquer ? Je ne peux pas lui dire :

« Hey, désolée, mais entre nous ça ne va pas le faire parce que je suis amoureuse de ton ami ».

Il va penser que je me suis foutue de lui, alors que ce n'est absolument pas le but. Je suis vraiment dans un sale pétrin. Jake ne répond pas, je vais devoir larguer un homme absolument incroyable et je ne sais pas ce qu'il va m'arriver dans les prochaines semaines. Comment tout ça a pu m'arriver alors qu'il y a six mois, j'étais tranquillement une fleuriste anglaise dans sa petite ville ?

Incompréhension. Je pense que c'est le mot le plus adéquat à... la situation ? Ou peut-être bien toute ma vie en fait.

— Je vais lui envoyer un message pour qu'on puisse se voir, réponds-je terrifiée.

Et si j'envoyais tout valser avec lui pour... Rien ? Après tout, quel est le pourcentage de chance pour que Jake ressente la même chose ? Très faible. Il n'a pas arrêté de me répéter qu'il me voulait dans sa vie en tant qu'amie. Combien de fois a-t-il utilisé ce terme durant la semaine à Los Angeles ? Il l'a utilisé un bon nombre de fois, sûrement pour délimiter nos relations. Pour qu'il n'y ait pas de quiproquo.

Scènes Coupées | Tome ☆ : Silence ! [/en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant