Quinze

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Comment va Lily ? me demande Jake de la cuisine alors que je me rends à nouveau sur la terrasse.

— Bah, c'est Lily.

— Elle s'est assurée que je ne t'avais pas encore tuée ?

— Elle a semblé très soulagée de m'entendre, plaisanté-je m'installant de nouveau sur une des chaises hautes, je lui ai promis de l'appeler tous les jours.

— Elle n'a toujours pas confiance en moi, dit Jake d'une voix chagrinée. Ce n'est pas grave, j'arriverai à avoir sa confiance. J'imagine que ce n'est qu'une question de temps. J'en suis certain.

— Tu as l'air d'être sûr de toi, fais-je remarquer avec un sourire amusé.

— C'est le métier qui veut ça, suppose-t-il en s'approchant de l'autre côté du comptoir. Alors qu'est-ce qui te donne envie ?

— Par... Pardon ? dis-je en faisant de gros yeux.

— Pour dîner ce soir, rajoute-t-il presque aussitôt.

— Oh ! Hum, je ne sais pas trop. Tout dépend de ce que tu sais faire parce que je ne compte pas cuisiner aujourd'hui. J'espère que tu ne comptais sur moi pour ça.

— Je dois t'avouer que je ne suis pas vraiment un grand cuisiner, mes plats sont assez basiques...

— J'ai bien envie de pâtes au saumon, lui coupé-je alors que mon ventre se met à gargouiller, tu as ça en stock ?

— Oui et je pense d'ailleurs que je vais me mettre à la préparation parce que tu sembles affamée.

— Assez pour ne plus savoir quand est-ce que j'ai mangé pour la dernière fois. Et ce que j'ai mangé aussi d'ailleurs.

— Alors c'est parti !

Jake se tourne vers le frigo et l'ouvre. Quant à moi, je me lève et le rejoins dans la cuisine.

— Tu fais quoi là ? me demande-t-il en me jetant un regard.

— Eh bien... je vais t'aider. Parce que je suis vraiment affamée, comme tu l'as dit. Alors tant pis pour mes résolutions de vacances.

— Je pense que je peux faire des pâtes tout seul comme un grand, m'assure-t-il en souriant.

— Tu ne serais pas un peu macho sur les bords ?

— Tu n'aimes pas quand quelqu'un est gentil avec toi, je me trompe ?

J'ouvre doucement la bouche, prête à riposter, mais ma promesse me revient de plein fouet.

— D'accord, dis-je à contrecœur, je vais m'installer sur la terrasse ! Mais si c'est immangeable, tu en entendras parler !

— Excellente idée ! Sors donc profiter du soleil tandis que je ferai de mon mieux pour ne pas te décevoir.

Je traîne donc les pieds vers la terrasse où Nautilus n'a pas bougé d'une patte. Je m'arrête près de la balustrade, sur laquelle je pose mes mains, et regarde ensuite la vue devant moi. Tout est encore calme et le soleil est en train d'effectuer sa descende, dans une dizaine de minutes il disparaîtra dans la ligne d'horizon. Ses couleurs chaudes seront remplacées par des couleurs plus sombres et effaceront toutes traces de rationalité en moi. Il me faudra alors prétexter de quelconques excuses pour me rendre dans ma chambre et m'isoler.

Une vague de tristesse s'empare de moi. Mes parents sont si patriotiques que je n'ai jamais voyagé en dehors de l'Angleterre. La Terre est pourtant si belle, non ? Cette vue me rappelle la rentrée scolaire où les élèves s'échangeaient leurs souvenirs de vacances. Mais moi je restais à la maison et les seules fois où nous sortions, c'était pour visiter des châteaux. Autant dire que j'ai fini par en avoir ma claque et je ne peux plus en voir un en peinture. Je regrette de ne pas avoir de souvenirs familiaux. Des souvenirs qui auraient dû me faire sourire, qui auraient dû être heureux, tout l'inverse de ce qui s'est donc passé. Ils sont douloureux et sans chaleur.

Scènes Coupées | Tome ☆ : Silence ! [/en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant