Partie 6

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Océan Atlantique – Eaux internationale.
Au large des côtes portugaises.

Debout devant le hublot de la cabine qui me faisait office de bureau, sa loupe monoculaire en main - objet qu'elle semblait porter en permanence autour du cou, comme le plus précieux des bijoux -, Nairobi examinait avec attention chaque détail qui composait le passeport qu'elle détenait entre ses mains.

Je ne connaissais pas grand-chose de Nairobi, mais elle me donnait l'impression d'être une personne plutôt gentille, réaliste et franche, avec un énorme grain de folie.

-  Il est parfait, un vrai chef-d'œuvre. Je suis impressionnée, déclara celle-ci.

-  Merci, dis-je assise à mon bureau.

-  Ça fait longtemps que tu es faussaire ? M'interrogea Nairobi.

-  Depuis que j'ai 13 ans, c'est comme une sorte de passe-temps, mais ce n'est pas ma spécialité première. Mon truc, ce sont plutôt les bijoux.

-  Je vois, ricana la spécialiste en fausse monnaie. Je suis moi aussi tombé dans ce genre de passe-temps au même âge, m'explique-t-elle en reposant le passeport avec les autres sur le bureau.

En se penchant sur la table, le regard de Nairobi se posa sur l'un des dessins que Paloma avait fait la veille. Un bonhomme, ou du moins une sorte de patate enrichie de deux yeux, d'une bouche et d'un nez. Avec des jambes et des bras qui sortaient directement de la tête. Et la vision de ce dessin fit naître un sourire nostalgique sur les lèvres de la jeune femme. Comme si cela faisait écho à quelque chose, ou quelqu'un.

-  Elle adore dessiner, déclarais-je. Elle essaie d'imiter son père.

-  Berlin dessine ? S'étonna-t-elle.

-  Oui, il peint surtout. Il a un talent incroyable. Mais il le fait de moins en moins, à cause de ses tremblements.

-  Au cours du braquage, on a appris pour sa maladie. Je suis désolée, avoua Nairobi sincèrement.

-  Pas autant que moi.

-  Tu as une petite fille très mignonne en tout cas et bien élevée, enchaîna-t-elle comme si elle avait compris que c'était un sujet sensible.

-  Merci, répondis-je touchée. Même si ce n'est pas moi qu'il faut remercier, mais plutôt l'armée de nounou qui s'occupe d'elle, et ma mère aussi. Moi, je me contente de lui donner son bain, de lui donner à manger le soir, de la coucher et de la lever le matin. Pour le reste, je suis très peu présente, et Berlin, c'est un peu près pareil. Disons que lui au moins, il se conduit comme un digne patriarche sicilien. Il aime sa famille, la protège et aide partiellement avec les enfants si c'est vraiment nécessaire. Son grand plaisir, c'est d'aller la coucher et lui lire des histoires. On n'est pas des parents très impliqués, ou très présent au quotidien, mais c'est le choix qu'on a fait, pour que notre couple ne sombre pas.

Nairobi prit ensuite place sur la chaise qui me faisait face. Elle avait cette oreille attentive et j'avoue qu'il était très agréable de parler avec elle. Désireuse d'en connaître plus sur ma vie et moi sur la sienne, nous avions sans nous concerter, fait le choix de briser la règle numéro 2 du Professeur : pas de questions personnelles. Mais après tout, le braquage était fini, à quoi bon garder le silence sur notre passé.

-  Je n'arrive toujours pas à me faire à l'idée que tu sois mariée avec ce psychopathe. Tu as l'air tellement plus... fit-elle en cherchant les bons mots. Équilibrée. Normal et mentalement plus équilibrée que lui, gloussa-t-elle. Ça fait longtemps que vous êtes ensemble ?

-  Bientôt 4 ans. On s'est rencontré dans la boutique de couture où je travaillais. Il était venu pour faire reprendre l'une de ses vestes de costume. Et tu sais comment il est ? Lançais-je amusée. Il adore faire bonne impression auprès des inconnues. Et il m'a sorti le grand jeu, et j'avoue que son charisme, toute cette confiance qui irradiait de sa personne, ça m'a troublée et charmée. Durant tout le temps du rendez-vous, pendant que je prenais ses mesures, il n'a pas arrêté de me reluquer à travers le reflet du miroir. Tout en affichant ce petit sourire narquois tout à fait envoûtant.

Andrés & Fiorella de Fonollosa [EN PAUSE] | La Casa de PapelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant