_Ghiltoniel est persuadé que je suis un magicien, lâcha Dahiman.
Un ricanement s'échappa des lèvres de la sorcière.
_Ne prenons aucune décision hâtive, déclara-t-elle ensuite, ce jeune homme aussi indiscernable qu'il soit n'est qu'un simple humain ! Malgré ce que tu as pu voir...
_Je n'ai pas eu d'autres alternative dans l'immédiat, lui dit l'elfe, et non, Dahiman est loin d'être un simple humain.
_Aldar peut être la cause de ces bouleversement dit-elle soudain.
_Aldar ? s'exclama Dahiman, perdu. Comment la lune bleue peut-elle me faire faire de la magie ?
_Aldar exerce certains effets sur les flux de magie, répondit Ella, vois-tu elle les renforce et peux en animer certains, leurs donner comme une sorte de volonté propre au point qu'ils se manifestent par eux-mêmes à travers n'importe quel être ou objet qui y soit disposé et cela de manière imprévisible... Sans la présence d'Aldar dans le ciel au moment où je guérissais votre frère, il aurait été moins bien portant à son réveil, sans elle je n'aurais jamais réussis le sort qui m'a permis de retrouver une certaine jeunesse.
_Cela s'est manifesté alors qu'Aldar n'était pas encore visible dans le ciel, releva Ghiltoniel.
_Peut être mais Aldar était déjà dans sa phase d'éveil, ce n'est pas à négligé.
Le silence retomba.
_Tu sembles prêter peu de foi en mes mots, peut-être qu'en te les montrant tu comprendras mieux la teneur de la situation, dit Ghiltoniel en prenant la main de la sorcière avec douceur.
Dahiman le regarda faire ne comprenant pas exactement ce qu'il voulait dire par « lui montrer ». L'elfe garda la main de la sorcière dans les siennes durant moins d'une minute, rien ne sembla se passer, pourtant l'expression de la femme changea du tout au tout devenant particulièrement concentré et méditative.
_Curieux, dit-elle après que Ghiltoniel lui eut lâché la main, je n'ai en effet jamais vu la magie se comporter ainsi d'elle-même. Et tu étais inconscient à chaque fois ?
_Oui, répondit le jeune humain, je n'en garde aucun souvenir.
_Pourtant tu semblais maître de tes facultés à ce que j'ai pu voir, dit-elle comme pour elle-même. Je vais tenter quelque chose.
Elle se leva et se dirigea près de l'âtre, sur le manteau il y avait de nombreuse fioles de tailles variées disposées par taille, elle tâtonna et fini par en choisir une contenant un liquide limpide.
_Veux-tu bien prendre un bol Ghiltoniel, lui dit-elle en revenant à sa place, là près de la fenêtre, sur la tablette, ainsi qu'une bougie, celle qui est de couleur jaune s'il te plait.
Celui-ci s'empressa de récupérer ce qu'elle lui avait demandé avant de revenir s'assoir à son tour. A ces indications, il plaça le bol entre Dahiman et elle ainsi que la bougie qu'il alluma, simplement en passant la main par-dessus ce qui fit sursauter Dahiman trop peu habituer à toute actions magiques, qu'ils semblaient effectuer avec autant de facilité.
_Posez vos mains dans les miennes, dit-elle à Dahiman, paumes vers l'intérieur.
Il s'exécuta.
_Détendez-vous, ajouta-t-elle d'une voix apaisante, fermez les yeux et tentez à nouveau de vous remémorer ces évènements.
Dahiman fit ce qu'elle lui demandait, tentant de revenir vers ces moments. Il essaya, de longues minutes durant, mais à chaque fois qu'il remontait le fil de ces souvenirs, ces derniers s'embrouillaient et une migraine commençait à le prendre.
Ils recommencèrent plusieurs fois, sans que cela ne change quoi que ce soit, mis à part des tiraillements de plus en plus lancinants au niveau de ces nerfs. La sorcière finie par lui lâcher les mains en soupirant.
_Je te l'avais dit Ghiltoniel, dit-elle presqu'agacée, je ne vois rien ! Sa destinée m'échappe à chaque fois que je suis près de la saisir... ce garçon demeure un mystère pour moi.
_Alors je vais rester ainsi ? s'exclama Dahiman, sans jamais savoir ce qui m'arrive ? Vais-je vivre le restant de mes jours dans l'incertitude ? Et si cela se répétait ? Et s'il arrivait que je blesse ou agresse l'un des miens ?
_Je suis désolé mon petit, dit-elle, je ne peux rien pour toi...
_S'il vous plait, dit-il dans un élan de légère panique, il s'empara des mains de la Sorcière et ces yeux se fermèrent d'eux même, son esprit s'embruma, plongea en lui irrésistiblement attiré.
Autour des deux êtres devenus silencieux, la pièce s'était assombri, l'éclat de la bougie s'était intensifié pourtant la lumière n'était pas concentrée en son point chaud, mais entre les mains tendues des deux protagonistes. L'eau contenue dans le bol devint noir comme la nuit sous les yeux ébahis de l'elfe, le seul les ayant gardés ouvert, mais bientôt une image apparut.
Dahiman eut la fulgurante sensation de tombé dans un gouffre de noirceur. Une image se superposa ensuite aux ténèbres.
Celle d'une forêt d'arbres gigantesques, dont la touffeur alourdissait l'atmosphère, baignant ces sourdantes profondeur d'une pâle obscurité. Il se sentait appelé sur sa droite. Devant lui, le chemin continuait à l'ombre d'un de ses géants sylvestres se dévoilant au fur et à mesure qu'il avançait, sous une racine distordu, perçant la terre de part en part formant une sorte d'arc naturel. En passant sous l'arc formé par l'énorme racine il distingua un éclat de l'autre côté. Là-bas se dit-il. Déjà percevait-il la troué de lumière à travers le feuillage. Puissant rayon d'or qui perçait l'obscurité. La clairière qu'elle illuminait était riche d'une faune juvénile et vibrante de vie, de jeunes arbres aux branches lourdes bordant la corolle, une rivière serpentait à travers l'herbe verte et grasse. La présence s'y trouvait, elle distordait la réalité, brillait de son éclat d'obscurité.
A nouveau la réalité s'effaça, virevoltant autour de lui, se fondant en une masse informe. Incohérente.
Il se stabilisa sur une terre noire. A ces côtés, le roi Siil se tenait fermement debout, portant sa Noire-Armure luisante, indestructible. L'épée des rois rutilante, transperçant la terre sèche, poussières mortes.
Non cette vision n'était pas Siil.
Il s'agissait de Ghiltoniel. L'épée oubliée toujours harnaché dans son dos, recouverte de bandelette comme un masque mortuaire. Ce dernier ne le voyait pas. L'elfe était entouré d'obscurité, luttant contre une force insidieuse, sourdante de la terre, empoisonnant l'air. Des ombres se levaient aussi et marchaient à ces côtés, tentatrices illusions ou promesses de mort. Il avançait dans ce monde de tourment, de peur et de mort aveugle à la recherche d'une terrible vérité, il était à la fin d'un monde et avançait inexorablement sans jamais ressentir sa présence.
Le monde s'étira ensuite en longue bandes de clair-obscur, mêlant de multiples formes avant de prendre les pourtours de colonnades de marbres. Le toit qu'elles soutenaient était fait de la même pierre taillé avec finesse et détail. Un être qu'il n'avait jamais vu pliait consciencieusement un parchemin qu'il cacheta d'un sceau tout aussi mystérieux que sa personne, il l'attacha à la patte d'un oiseau aux écailles noires et au bec rougeâtre, ses serres meurtrières encerclant un piquet de métal sur lequel il était accroché. L'être lui intima une destination avant de le laisser aller. Il resta là longtemps contemplant un ciel particulièrement clair, comme si le ciel et la terre s'était rapproché. Le ciel rougeoyant se piquetait d'étoiles particulièrement brillantes. Dans ses pensées bouillonnaient une impatience avide, un désir brulant de conquête. Dahiman plongea dans son rêve éveillé et contempla le visage morbide et blafard de la guerre. Les villes assiégées et détruites, les feux qui brulaient et dévoraient tout, la fumée qui obscurcissait l'atmosphère et les corps, les milliers de morts et leurs sillons de sang et de malheurs et cet être assis sur un monticule de corps bâtissant un ordre nouveau sur les ruines de l'ancien.
Dahiman sembla prendre du recul, contemplant deux puis plusieurs vérités liées entre elles. L'obscurité revint pourtant et avec elle la fin du rêve.
_Je... Je...
_Co... Comment as-tu fait ? s'exclama Ella en lâchant aussitôt les mains de Dahiman.
VOUS LISEZ
Les Récits Recensés (Cycle 1er) : Les Terres Fracturées
FantasyVous qui tournez ces pages, Vous découvrirez les premiers pas d'un univers autre que le nôtre, Vous voyagerez à travers des contrées fracturées, enclavé dans sa propre réalité. Vous connaîtrez le mal qui ronge les êtres au point de les pousser à co...