46 | Ashika

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Le talkie-walkie grésilla à nouveau, me faisant presque sursauter.

— Ashika ? Tu es toujours là ?

La voix de Gabin était déformée par la fréquence, la rendant un peu bizarre. Je tendis le bras pour répondre.

— Oui. Evy est parti depuis moins de–

— J'ai besoin que tu ailles voir ton père, Hachi. C'est très important.

Il fallait savoir que la fréquence de Gabin n'était joignable que pour certaines personnes du Fief, comme papa ou Abel. Voilà pourquoi il ne pouvait pas contacter les autres. En général ce n'était pas un problème. Sauf aujourd'hui. Les problèmes survenaient souvent quand on s'y attendait le moins après tout. Leur apanage. Ça n'aurait pas été très drôle sinon.

Sans réfléchir plus que ça, je quittai le bureau, enfilai mes chaussures et sautai les quelques marches du perron pour me diriger vers la forêt.

Depuis la maison, je connaissais un sentier qui coupai au travers et qui amenait plus rapidement au Contingent. Je l'avais tellement emprunté que j'aurais pu marcher les yeux fermés, même si ça faisait longtemps.

— Qu'est-ce qui se passe ? soufflai-je, ne parvenant pas à dissimuler mon inquiétude.

Je ne voulais pas paniquer pour rien. Ça pouvait très bien être d'une extrême importance pour Gabin, beaucoup moins pour le fonctionnement même du Fief. En fait, il y avait un millier de possibilités et il ne fallait pas que je l'oublie.

— Tu es en route ?

J'appuyai sur le bouton.

— J'y vais, là. Est-ce que... est-ce que c'est grave ?

Papa n'avait pas besoin qu'on lui rajoute du travail. Il était fatigué et sous pression, même s'il n'en disait rien, et encore moins à moi. Mais ça ne m'empêchais pas de le voir. De le ressentir. La grossesse de Lilibeth jouait aussi.

— C'est une possible intrusion. Je n'en suis pas sûr à cent pour cent, mais–

Ce fut à cet instant précis que le hurlement d'un lycan résonna et j'aurais pu mettre ma main au feu qu'il s'agissait d'Evy. Une volée d'oiseaux jaillit de branches, me faisant sursauter et presque lâcher le talkie-walkie.

Le silence posa bagages et me donna une sensation d'oppression. De lourdeur.

Et là, soudain, la sirène du Fief résonna. Puissante.

Une seule et unique fois. Et alors, même la forêt sembla se taire.

Le protocole. Qu'est-ce que disait le protocole ?

Trois sonneries pour les catastrophes naturelles.

Deux pour un incendie.

Et une... une...

— Hachi ? Il faut que tu–

Intrusion. Une sonnerie voulait dire intrusion dans le Fief. Les Benjamins allaient être cachés dans les baraquements avec leurs instructeurs jusqu'à ce que la menace soit neutralisée. Retourner là-bas ne me servirait à rien. Lilibeth était en sécurité à la maison, avec Arwen et Dom.

Papa. Gabin m'avait demandé de trouver papa, alors j'allais y aller. Pas plus compliqué que ça. Je n'avais qu'à me focaliser là-dessus.

Aller au Contingent. Trouver papa. Lui donner le talkie et attendre. Oui. C'est ce que j'allais faire. Je glissai le talkie dans la poche de mon sweat et accélérai le pas. Plus d'une fois, dans mon empressement, je faillis m'étaler. Tentai de me calmer. Pas la peine de paniquer. Logiquement, les personnes qui s'étaient introduites devaient encore être loin d'ici. Ce qui me laissait largement le temps de trouver papa, Abel et les autres.

Pas la peine de paniquer sans raison.

Je pouvais le faire. Tranquillement. Bon, pas trop lentement non plus. Je choisis de quitter le sentier, pour couper directement à travers bois, histoire de gagner quelques précieuses minutes. Le bout de ma basket se prit dans les ronces et je tombai tête la première. Les épines entaillèrent mes joues et je grognai, cherchant à dégager mon pied.

Je me figeai alors. À moins d'un mètre de moi, deux hommes, presque totalement camouflés grâce à leur maquillage et leur vêtement. Il portait nombre d'armes blanches. Des couteaux et même une serpe pour l'un d'entre eux.

Mon souffle se bloqua. Si je ne faisais pas de bruit, il passerait leur chemin et ne me verrait pas. Oui, si je ne–

Celui de droite fut le premier à m'aviser. Son sourire étira ses lèvres et il donna un coup à son collègue.

— Hé, regarde ce qu'on vient de trouver. Pas besoin d'aller plus loin.

— C'est elle, répondit l'autre.

Mon souffle tenta de se frayer un passage en travers de mes lèvres closes. La peur me cloua sur place, insidieuse et tellement familière.

Je ne... je ne...

Ils s'avancèrent, arme au poing. Mes yeux s'écarquillèrent.

Bouge. Bouge.

BOUGE !

Je fus incapable de fermer les yeux. Incapable de ramper pour m'éloigner. La lame harponna mes yeux.

Et un lycan surgit alors des fourrées pour sauter à la gorge de l'homme à la serpe.

Le sang gicla. 

OUR ANCHOR T2 Forgotten [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant