« You only live once, but if you do it right, once is enough. »
Mae West.
Il y avait dans la pièce une odeur un peu aigre, qui prenait au nez, preuve du fait que personne n'avait pensé à aérer depuis un moment. Je repoussai les épais rideaux et l'éclat du jour me fit cligner des yeux, dans une vaine tentative de me protéger. La fenêtre donnait sur une partie de la forêt, où on ne percevait que des arbres et quelques touffes d'herbe de-ci de-là.
Mon souffle forma de la buée et je me pris au jeu de dessiner une bulle, de celle qu'on trouvait dans les mangas avant de l'effacer. Je me tournai et soupirai en voyant toute la poussière sur les meubles. Je ne comprenais pas pourquoi cette pièce avait été laissée à l'abandon, la trouvant plutôt agréable. Un petit coup d'aspirateur et de ménage et le tour était joué. Au mur, il y avait quelques vieux tableaux un peu bizarres, qui me mettaient mal à l'aise sans trop de raison. J'évitai de les regarder, comme s'ils étaient dotés d'yeux capables de m'épingler.
Dans mon gros pull en maille, je frissonnai et l'un de mes doigts glissa sous mon élastique. Depuis que j'avais rencontré le psy sur le pas de la porte, je n'avais pas ressenti le besoin de le faire claquer. Je ne voyais pas forcément ça comme une victoire personnelle, plutôt comme un mieux.
Abel me disait souvent qu'il fallait que je me contente d'avancer pas à pas et d'accepter tout ce qui était mieux, parce qu'il n'y avait pas de petites victoires dans ma longue bataille. Lui, il essayait l'optimisme et ça fonctionnait assez bien avec moi. Il n'y avait pas de jugement dans son regard, pas plus que d'attente particulière. C'était agréable en comparaison de tout le reste et de tous les autres. J'avisai l'heure et me fit la réflexion qu'il fallait que je me mette au travail si je voulais montrer cet endroit au docteur Pratt.
Nous installer dans le bureau de papa ne m'avait pas semblé être la meilleure idée possible, pas plus que dans la maison. Quelque part, un lieu plus neutre m'avait paru être une piste plus intéressante. Surtout en considérant l'ouïe surdéveloppée de chaque lycan. Puisque les séances se passeraient au sein du Fief, mieux valait trouver un bon compromis entre mes besoins et les attentes du psychiatre. Papa avait donc été d'accord pour que je m'éloigne un peu du centre névralgique de la réserve, me rapprochant du Contingent. Je savais que les Soldats n'écouteraient pas. Déjà parce que papa avait été clair là-dessus, mais aussi parce qu'ils avaient bien assez à faire pour s'intéresser à ce qui se passait ici. Et puis pour papa, c'était une pierre deux coups ; même si je m'éloignai, d'autres lycans surentraînés pourraient garder un œil sur moi, même de loin.
Tante Evy était partie pour quelques jours je ne sais trop où. Je savais juste que c'était hors du Fief, ce qui ne devait pas plaire à Aslander, au vu de la discussion que j'avais surprise entre papa et lui. Mais ça ne me regardait pas, même si je crevais de curiosité concernant Evy et Nokomis, la sœur de notre Kaizer dont je n'avais jamais entendu parler. Ça me faisait un peu bizarre d'ailleurs. Aslander n'était peut-être pas du genre à tout me dire ; après tout je restais une enfant et lui un très vieux lycan, mais il s'agissait de sa sœur, pas d'un secret d'État, n'est-ce pas ? Alors oui, ça me travaillait un peu et peut-être que ça finirait par me pousser à interroger tante Evy. Ou Abel, parce que j'étais sûre que lui aussi était au courant. Je fis la moue. Et me mis au travail, laissant de côté tout le reste.
Ça ne me prit pas autant de temps que je l'aurais cru de prime abord. Une fois les meubles dépoussiérés et la pièce bien aérée, je trouvais l'endroit très chaleureux et accueillant. La petite bâtisse, qui se résumait à cette pièce et une salle de bain, était en fait une ancienne dépendance des gardes forestiers lorsqu'ils venaient faire leur rapport à papa. C'était bien avant ma naissance, mais quelqu'un avait pris soin de garder le lieu plus ou moins intact. Ça me semblait être un coin sympa pour discuter avec le docteur Pratt. Joshua avait semblé emballé lorsque je lui avais montré tout ça et il m'aurait sûrement donné un coup de main si son entraînement ne lui prenait pas tout son temps et toute son énergie. Abel était terrible dans le rôle d'instructeur, même si la palme revenait à Calder sans aucune hésitation. Je n'avais pas encore vu Evy à l'œuvre, mais quelque chose me disait que les Recrues allaient avoir très mal. Cette pensée me fit sourire un instant, puis grimacer. Je n'étais pas du genre à prêter grande attention à ce qui pouvait bien se dire sur moi, mais qu'est-ce que les jeunes d'ici se disaient en voyant la fille du Krig ?
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OUR ANCHOR T2 Forgotten [Terminée]
مستذئبCeci est un tome 2. Ashika, de retour chez elle, doit apprendre à oublier Yona et à composer avec la nouvelle personne qu'elle est devenue. Les traumatismes des derniers mois la talonne et ne lui laisse aucun répit. Sa relation con...