53 | Ashika

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L'espoir, c'est être capable de voir

La lumière malgré les ténèbres.

Desmond Tutu.

Un haut-le-cœur me secoua et mes doigts agrippèrent plus fort la cuvette des toilettes. Je vomis une nouvelle fois, la gorge en feu et les yeux bouffis par mes larmes. Reprendre mon souffle brûlait ma gorge et dès que je déglutissais, l'estafilade au niveau de mon cou me démangeait, me faisant atrocement mal.

Les doigts de Wolf repoussèrent mes cheveux et la chaleur de son épiderme me heurta, me faisant frissonner. Je crevai de froid.

Il y avait cette atroce douleur térébrante, qui me cisaillait de l'intérieur, rappel constant de tout ce qui venait de se passer. Encore maintenant, dans un environnement pourtant sécuritaire, j'étais tétanisée de la tête aux pieds, tremblant comme une feuille que le vent aurait cherché à attraper. Mon estomac se souleva encore et encore, mais il ne resta plus qu'une bile acescente, qui me fit fermer les yeux, cherchant mon souffle.

Même si mon corps se voulait être physiquement là, dans cette salle de bain, mon esprit se trouvait encore dans les bois.

Cette impression de sentir le souffle de mes poursuivants. Leur rire. Je me mordis la lèvre, très fort, espérant peut-être que ça m'éviterait de fondre en larmes. Je ne faisais que pleurer. J'étais tributaire des autres, incapable de me débrouiller toute seule.

Qu'avais-je fait pour que même au sein du Fief, je ne sois plus en sécurité ? Qui diable m'en voulait au point de venir me chercher ici ? Qui ? Et pourquoi ? Je ne comprenais pas. Ne le pouvais pas. Parce qu'il me manquait une partie de ma mémoire. Une partie essentielle.

J'essuyai le coin de ma bouche, un sanglot coincé au fond de la gorge. Ce n'était pas l'adrénaline qui courrait dans mes veines, mais bien la peur. Viscérale. Mauvaise.

Je tremblais si fort que mes dents s'entrechoquaient.

— Tu es glacée.

Pouvait-on mourir de froid ? Nos os pouvaient-ils geler sous le coup de température négative extrême ? Qu'est-ce qu'un corps humain pouvait supporter ? Et l'esprit ?

Wolf disparut de la salle de bain et le silence m'enveloppa, stagnant dans l'air. Dos de la main contre mes lèvres, les images défilaient.

Je sentais la prise invisible de cet homme sur ma cheville, prêt à me trainer au sol pour mieux pouvoir me... planter. Avec sa lame. Que je ferme ou non les yeux, c'était du pareil au même. Un peu comme un film en avance rapide, mais suffisamment lent pour me permettre de tout revoir dans les moindres détails.

Je revoyais papa, me surplombant, agrippant la tête de l'homme.

Je revoyais Evy me dire de me cacher, de ne pas bouger, qu'elle viendrait me chercher.

Je ressentais de nouveau la peur et ce besoin de trouver papa.

— Ashika.

Siobhane n'essaya pas de m'effleurer et encore moins de me toucher. Son parfum capiteux flotta dans l'air, notes florales et boisées.

— Tu saignes.

Je secouai la tête. Le sang avait séché depuis un moment, tachant irrémédiablement mes vêtements. Je ne savais pas pourquoi, mais cette idée ne me quittait pas. Tout était foutu. Du sang partout. Partout.

Le comble dans tout ça ? J'étais une Earhja, mais je demeurais incapable de me soigner moi-même. Voilà pourquoi nous n'étions jamais envoyées en première ligne, pourquoi nous demeurions bien protégées, au cœur d'un palais magnifique et imprenable.

OUR ANCHOR T2 Forgotten [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant