Tiliana d'Ovra - Les Sans Peuple

Chapitre 3 - L'histoire oubliée

Le livre poussiéreux à l'épaisse couverture de cuire se trouvait dans un coin de la dernière rangée de la plus haute étagère de la bibliothèque. Sur la première page jaunie, le titre était parfaitement calligraphié. Cet ouvrage avait vocation à rassembler l'ensemble de l'Histoire de toutes les familles royales jusqu'à deux cents années en arrière. Il était déjà fort tard, le jour était couché depuis plus de deux heures, pourtant Lucas ne pouvait se résoudre à abandonner sa lecture avant d'avoir récolté le fruit de ses recherches. Il s'installa à l'une des tables de travaille en bois, et à la lueur d'une chandelle, commença :

«Voici le récit des premières années de vie de la princesse Tiliana D'Ovra, par Périn Mitrine, Conseiller Royal d'Ovra :

En l'an 1450, naquit la princesse Sans Peuple de la famille du Roi Théodore d'Ovra, descendant d'Emire d'Ovra. La fille fut nommée Tiliana d'Ovra, et enlevée à sa mère, paysanne du Royaume d'Arcin. Tiliana d'Ovra grandit enfermée dans une unique pièce du château de Sarock durant les trois premières années de sa vie, à l'abri des regards du reste du monde. En cette année 1453, le roi prit la décision d'envoyer sa progéniture rejoindre son frère dans le lieu secret où il amena Périphène d'Ovra, Prince de sang royal, il y a déjà six années de cela. Dans son décret 1234, Emire d'Ovra déclara que cela devait être fait afin de lui garantir la meilleure des éducations.

Ce fut un mensonge. La princesse Tiliana fut mise en exile à la fois pour permettre à sa famille d'échapper à la trop grande honte qui pèse sur elle, mais aussi pour permettre à sa Majesté Emire d'Ovra d'échapper à la menace grandissante que représente le développement des étranges capacités de cette enfant.

J'écris ceci, en ce jour, car je n'ai que peu de temps à vivre, et qu'il est important que le monde sache que la fille bientôt oubliée d'Emire d'Ovra est vivante, quelque part entre les différents Royaumes de cette Terre. Tiliana d'Ovra sera amenée à jouer un rôle dans l'Histoire de ce monde.»

La page s'arrêtait là. Aucunes précisions n'indiquaient ce à quoi ressemblait cette soit disant princesse Sans Peuple. La seule chose que le jeune prince put déduire de ces quelques lignes fut que la sœur de Périphène avait reçu la même éducation que son frère. Il était donc aisé de penser qu'elle lui ressemblait. Et quelles étaient donc ces étranges capacités auxquelles le texte faisait référence ?

Lucas se mit à espérer que la princesse d'Ovra n'ait pas hérité d'aussi grandes capacités magiques que le Roi Sorcier. Si cela s'avérait être le cas, l'ennemi était bien plus puissant que ce qu'ils avaient imaginé.

Les portes s'entrebâillèrent, tirant momentanément le jeune homme de ses sombres pensées. De petits bruits de pas se déplaçant rapidement sur le sol se firent entendre. Il n'eut aucun doute sur l'identité de la personne qui approchait. Astride sauta sur les genoux de son frère. Ses cheveux en bataille, sa longue chemise de nuit et ses pieds nus témoignaient de sa fuite rapide et probablement silencieuse de sa chambre à coucher.

— Que fais-tu là, petite sœur ?

— Je n'arrivais pas à dormir. Je savais que tu serais ici, ça fait plusieurs jours que tu ne sors pas, même pas pour venir me rendre visite. Répliqua-t-elle, la mine boudeuse.

Lucas laissa un sourire attendrit éclairer son visage devant l'attitude de l'enfant.

— Astride, je te promets de me rattraper dans les prochains jours. Mais tu n'as rien à faire ici. Tu ne dois pas te promener dans le château la nuit, sans escorte.

— Oh ! Mais j'en ai assez d'être enfermée. Je voudrais sortir. Les autres enfants vont souvent jouer aux abords de la forêt. Moi aussi je voudrais aller cueillir des fleures, grimper chercher des pommes dans l'arbre, courir jusqu'au petit ruisseau pour m'y baigner les pieds.