Chapitre 27 - La foret

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Tory trimait comme un força au milieu des autres Sans Peuple qui avaient été assignés aux travaux champêtres. Ils étaient nombreux, et étroitement surveillés. Les pauses étaient rares, mais la petite paye qu'il toucherait à la fin de la journée lui permettrait d'acheter un dîner frugal, et d'économiser l'argent que lui avait donné Lucas d'Arcin. La corne qui sonnait les dix minutes de repos accordées toutes les trois heures retentit, et il se dirigea à grandes enjambées vers l'une des cuves qui bordaient les champs et qui leur servait à se désaltérer. Une petite dizaine d'hommes partit se reposer un peu à l'écart, à l'ombre des arbres à la lisière des bois. Attiré par la source de fraîcheur, il les rejoignit. Il allait les atteindre, lorsqu'un mouvement sur la gauche attira son attention. Intrigué, il se rapprocha du buisson, et en écarta les premières branches, en prenant garde à ce qu'aucun des soldats présents ne le repère. Il faillit tomber à la renverse lorsqu'il reconnu la tête brune qui apparu devant lui. La jeune princesse du Royaume était métamorphosée, même Rose ne portait pas de tenue aussi sale. S'il ne l'avait pas déjà vu, il aurait pensé qu'il s'agissait d'une vulgaire mendiante qui s'était échappée de la ville.

— Qu'est ce que vous faites ici ? demanda-t-il-le plus discrètement possible. Vous devriez être au château ?

La fillette cligna des yeux plusieurs fois avant de se souvenir où est-ce qu'elle avait vu ce visage pour la dernière fois.

— Je me suis enfuie, chuchota-t-elle, je vais chercher mon frère et Tiliana.

— Quoi ! Mais c'est de la folie ! Ils sont partis il y a des heures, et une petite fille de huit ans, de sang royal ne se promène pas toute seule dans la forêt !

— Je suis grande ! Je peux le faire ! Ils ne m'abandonneront jamais.

Tory soupira devant l'air buté de la princesse.

— Hey toi là bas ! On y retourne !

Il jeta un regard au garde qui venait de l'apostropher, et aux Sans Peuples qui commençaient à se rassembler.

— J'arrive, je finis juste d'assouvir un besoin naturel !

— Dépêche-toi alors ! Lui cria l'homme, en se tournant vers deux des travailleurs, qui commençaient à se disputer pour une dernière écuelle d'eau fraiche.

Tory n'hésita pas plus, et s'enfonça dans les buissons. Il agrippa Astride et la força à le suivre à bonne allure. Il couru à en perdre alène, les branche des buissons leurs griffaient le visage, mais il était hors de question qu'ils s'arrêtent avant de s'assurer d'être hors de portée des soldats.

Lorsqu'enfin il décida s'être assez éloigné sans entendre aucun aboiement de chiens qui pourraient être lancé à ses trousses, il stoppa leur progression. La fillette était à bout de souffle.

— Je vais vous faire rentrer dans le château, vous prendrez un bain, vous vous changerez et tout le monde n'y verra que du feu.

— Non, je vais aller vivre avec Tiliana et Lucas !

— Mais enfin, ils ne sont pas partis vivre ensemble !

— Bien évidemment que si ! Et comment tu sais s'ils sont partis vivre ensemble ou pas ? Tu sais où ils sont ?

— Je ne sais pas où ils sont, non. Ils ne me l'ont pas dit avant de partir... Vous ne comptez pas abandonnez, n'est-ce pas ? S'enquit-il, désespéré.

— Non. Je ne veux pas y retourner.

Tory tomba à la renverse et s'assit sur une souche pleine de mousse. Il n'était pas envisageable qu'il abandonne Rose pour aider cette petite princesse gatée à rechercher deux adultes qui pouvaient être n'importe où, mais il ne pouvait pas non plus la laisser gambader seule dans des bois où le danger était omniprésent.

— Mais qu'ai-je fais dans une vie antérieur pour mériter ça ? D'abord le Prince d'Arcin... Maintenant sa sœur... Je ne pourrai pas passer le reste de la journée à simplement effectuer mes corvées et rentrer chez moi ? Maugréa-t-il pour lui-même.

Astride le fixa en faisant battre ses longs cils, un peu effrayée à l'idée qu'il puisse envisager de la ramener auprès du roi.

— Bon d'accord, je vais t'aider. Mais il est hors de question que nous partions ainsi, il faut que je passe par chez moi, je dois récupérer quelques affaires avant que nous nous en allions.

La fillette sauta de joie en laissant échapper un rire sonore, et se mit à sautiller en tournant en rond autour de lui, de petites mèches s'échappant de sa coiffe bien trop grande pour son tour de tête. Tory commençait déjà à regretter d'avoir accepté de l'accompagner.

— Oui, ça va, ça va. Allez, suis-moi. Tu m'attendras aux abords de la muraille de la cité en essayant de ne pas te faire repérer par les patrouilles, le temps que je revienne.

— D'accord, allons-y vite. Comme ça nous pourrons nous mettre rapidement en route.

Elle attendit prêt de deux heures, couchée à plat ventre sous des branchages. Sa petite taille lui permit de passer inaperçue pendant qu'il rentrait chez lui. Ce ne fut pas deux pieds, qu'elle vit s'arrêter à proximité de sa tête, mais bien quatre. Elle ne se montra que lorsqu'elle fut bien certaine qu'une des paires de chaussures salles et abîmées qu'elle entrevoyait étaient celle de Tory. A ses côtés, Rose tenait un baluchon et lui souriait, dévoilant ses dents de lait dont deux étaient tombées récemment, laissant place à de petits trous.

— Bonjour ! S'exclama-t-elle gaiement, je viens avec vous.

Astride se rappela des bonnes manières inculquées par l'horrible préceptrice guindée que son père avait embauché pour parfaire son éducation, et lui rendit son salut en appliquant les bases de l'étiquette.

— Bon, trêve de mondanités, ne restons pas trop longtemps ici. Je regrette déjà d'avoir fait ça. Tiliana va me tuer, si nous ne sommes pas morts avant de les retrouver.

— Venez Princesse, s'exclama Rose gaiement, je suis certaine que nous allons devenir de grandes amies.

Tory écarquilla les yeux en les voyant prendre les devants et s'éloigner, bras dessus, bras dessous, comme si elles partaient faire une balade de santé des plus reposante. Il s'était vraiment mis dans un pétrin incroyable. Il se mit à marcher à leur suite, en râlant, pestant, et trainant les pieds, fallait-il qu'il soit maudit pour avoir été regardé sous ce fichu buisson.

Ils avancèrent lentement, les deux fillettes se laissaient distraire par n'importe quelle fleure trouvée au milieu d'un tapis de mousse, ou par le joyeux chant d'un oiseau qui s'élevait au dessus de leurs têtes, et il avait du mal à les guider. Il n'avait qu'une vague idée de leur destination finale. Il espérait que Lucas l'ait amené à un endroit qu'ils avaient déjà tous deux fréquentés, mais rien n'était certain. Il décida donc de prendre une route détournée pour se rendre jusqu'à ce qui était maintenant le camp abandonné des Sans Peuple.

Ils se cachèrent à de multiples reprises, et croisèrent pas moins de trois patrouilles de recherche et évité deux camps de ce qui semblait être des saltimbanques, mais ce qui aurait aussi pu être des bandits. Assis entre deux racines, Tory surveillait Astride et Rose qui jouaient ensemble avec la poupée qu'avait emmenée la jeune Princesse. Il avait décidé de s'arrêter un peu, le temps de réfléchir à un nouveau plan de route. Il ne pouvait pas continuer à avancer dans cette partie de la forêt. Le jeune garçon avait beau tourner le problème dans tous les sens, il ne parvenait qu'à une seule conclusion. Il leur fallait se rapprocher au plus près de la frontière, et passer par les pleines de Lansgarotte qui se trouvaient en territoire d'Ovra. Il était peu probable que ces terres presque désertiques et sans aucune valeur stratégique soient surveillés.

Pour la première fois depuis bien longtemps, il sentit le poids de l'immense responsabilité qui peser sur ses épaules. S'il vivait seul avec Rose la majeur partie de l'année, Tiliana avait toujours était là pour l'aider, et aujourd'hui, il se retrouvait complètement seul, avec deux fillettes à charge, alors qu'il n'était même pas adulte. 

Tiliana d'Ovra - Les Sans PeupleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant