Chapitre 11 - Les Montagnes Maudites

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Pendant près de deux jours, Lucas suivit Tiliana sans jamais perdre sa piste. Il ne s'approchait jamais trop près pour ne pas être repérer, mais restait dans un périmètre qui lui permettait de suivre les traces fraiches de leur passage. Il ne s'approchait d'elle qu'à la nuit tombée, observant le moindre de ses faits et gestes, guettant chaque mouvement ou habitude qui lui permettrait d'en apprendre plus sur la jeune fille et sa personnalité pour le moins étrange, mais il ne remarqua rien de particulier. Une seule chose retint son attention. Elle ne se séparait jamais d'une petite sacoche en cuire, même lorsqu'elle se couchait. A plusieurs reprises, ils croisèrent des patrouilles, des groupes de bandits, et des commerçants, mais elle était douée dans l'art du camouflage et jamais ils ne furent remarqués par aucun d'eux. Elle s'enfonça encore dans les bois, dans des endroits reculés dont il ne se souvenait même pas qu'ils apparaissent sur l'une des nombreuses cartes de la bibliothèque du palais. Finalement, le deuxième soir, elle s'arrêta aux abords d'un petit lac. Elle prépara son campement habituel, chercha du bois pour allumer un feu un peu plus tard dans la soirée et s'occupa du cheval.

Il avait attaché Krigan à quelques centaines de mètres de là et s'était rapproché avec toute la discrétion dont il était capable. Il l'observait de derrière un gros tronc de chêne couché par terre, et se redressa soudainement lorsqu'il la vit s'approcher de l'eau pour y tremper ses pieds afin d'en prendre la température. Allait-elle se baignait ?

Il hésita à retourner à son propre petit campement improvisé afin de lui laisser conserver un peu de pudeur, mais il changea rapidement d'avis, après tout, il avait largement mérité de se rincer l'œil après ces longues chevauchées.

Ce qui devait arriver arriva. Tiliana récupéra cette fameuse sacoche, avant de retourner vers l'eau fraiche et claire. Sur la berge, elle se déshabilla. Lucas retint son souffle alors qu'elle faisait passer sa chemise par-dessus sa tête. Seul restait sur sa peau un cataplasme noir qu'elle avait du appliquer elle-même sur sa blessure la veille au soir.

Aucun doute, Tiliana d'Arcin était magnifique. Ses cheveux roux se détachaient sur sa peau mate. Elle avait des seins parfaits et une taille fine. Elle respirait la fragilité, pourtant Lucas savait qu'elle était bien plus forte qu'il n'y paraissait. Peut-être était-elle un peu trop mince, on devinait aisément qu'elle avait subi des privations, mais ce n'était qu'un détail. Il n'avait jamais vu une fille semblable, et sa différence n'était pas pour lui déplaire. Ce n'est que lorsqu'elle se retourna pour entrer dans l'eau qu'il les aperçut. Elle avait fait en sorte de rassembler ses cheveux en chignon pour ne pas les mouiller, découvrant ainsi entièrement son dos. Celui-ci était zébré de grandes cicatrices sur près de quarante pour cent de sa surface. Ces marques ne pouvaient provenir que d'une seule chose, il en avait vu de semblables maintes et maintes fois durant sa courte vie, c'était celles d'un fouet. Pour être aussi visibles, elle n'avait pas du recevoir qu'une seule correction. Ce détail aurait dû rebuter le jeune prince, mais il n'en fut rien. Il ne l'en trouva que plus attirante. Imaginer que quelqu'un avait pu la maltraiter le rebutait. Sans qu'il ne sache pourquoi, il sentit une bouffée de rage et des envies de meurtres monter en lui, comme cela ne lui était jamais arrivé. Elle plongea pendant de longues secondes et remonta à la surface afin d'inspirer une grande goulée d'air. Le faible lien qui retenait ses cheveux ne tarda pas à lâcher, libérant l'opulente masse qui s'étala à la surface de l'eau sombre, tout autour d'elle, en une cascade de feu.

Il l'observa barboter pendant presque une heure, avant qu'elle ne se décide enfin à sortir du lac. A sa grande surprise, elle ne s'habilla pas tout de suite, et s'étendit sur la berge. Elle attrapa cette fameuse sacoche et l'ouvrit, le visage grave. Tiliana plongea sa main à l'intérieur, et en ressortit un gros livre vieillit et un médaillon accroché à une chaîne en or. Elle déposa le bouquin à côté d'elle et se mit à caresser la petite médaille. Il comprit tout de suite à quel point ce collier était important pour elle, mais il était trop loin pour pouvoir distinguer ce qui était gravé sur dessus. Avec délicatesse, elle l'attacha autour de son cou, laissant reposer le petit cercle en or au creux de sa poitrine, avant de se rhabiller et de remettre cet étrange livre à l'épaisse couverture noire dans le sac. Lucas décida qu'il en avait assez vu pour ce soir, et retourna vers son cheval qui paissait tranquillement. Pourquoi trimbalait-elle un livre aussi imposant avec elle dans ce petit sac?

Tiliana d'Ovra - Les Sans PeupleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant