Chapitre 20 - L'audience

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Tiliana chevauchait en slalomant entre les chênes centenaires de la forêt, encadrée par deux des gardes de Sir Merin. Le messager était revenu. Comme prévu, il avait été suivi, mais son plan pour semer ses poursuivants avait marché à la perfection. Le Roi Pierre avait accepté de la recevoir. La partie d'échecs allait bientôt commencé. Elle n'avait aucune certitude, contrairement à ce que son attitude laissait croire. Il allait falloir jouer serré. Les rares paysans qu'elle croisait sur la route la regardaient d'un air mauvais, et plusieurs tentèrent de lui cracher dessus, sans jamais pouvoir l'atteindre. C'était surement une réaction normale, elle portait les couleurs d'Ovra, et bien que la plupart ne sachent rien de sa véritable identité, tous connaissaient cette tenue vestimentaire. Elle avait laissé ses cheveux à l'air libre, et bien que rassemblaient en un chignon et soigneusement parés de bijoux, ils captaient la lumière et flamboyaient, boule de feu à l'arrière de son crane. Elle arriva aux abords de la cité en début d'après-midi. Les soldats qui gardaient la porte principale avaient reçu l'ordre de la laisser passer, et elle remonta l'Avenue principale en direction du palais. Les sabots des chevaux claquaient sur les pavés, et les curieux s'arrêtaient, surpris par la présence d'une jeune femme encadrée par deux hommes armés arborant fièrement les couleurs de Périphène d'Ovra. La cour du château était vide à l'exception de quelques hommes peu gradés et de familles modestes. Le Roi Pierre avait tout prévu. Il ne témoignerait pas la moindre marque de respect à cette fille. Quatre d'entre eux se précipitèrent vers les nouveaux arrivants et tous posèrent la main sur leurs armes. Ils furent rapidement entourés, et Tiliana fit signe aux hommes qui l'accompagnaient de ne pas manifester d'intentions de se battre. Ils venaient en pacifiques. Un soldat en armure, dont la cape attestait qu'il était légèrement supérieur aux autres dans la hiérarchie, se présenta devant eux. Il ne s'inclina ni ne fit de signe de tête afin de leur souhaiter la bienvenue.

— Veuillez me suivre, lui signifia-t-il, vous êtes attendues... pas eux, lui désigna-t-il.

— Attendez-ici, dit-elle aux hommes de Sir Merin, vous savez quoi faire si quoi que ce soit se passe.

Et elle suivit le petit gradé qui lui avait été envoyé. Elle n'était jamais rentrée dans le château, et un seul coup d'œil à l'entrée lui confirma ce qu'elle savait déjà. Le Royaume d'Arcin prospérait depuis bien des années. Le décor avait été réalisé avec goût et délicatesse, surement par la défunte reine. Tiliana ne savait que peu de choses sur elle, mais elle avait entendu dire que contrairement à son tyran de mari, c'était une femme bonne et magnanime qui aimait tendrement l'humanité et respectait la vie. Elle avait été aimée de ses sujets jusqu'à son dernier souffle, et l'hommage qui lui avait été rendu après son décès avait été à la hauteur de ce qu'elle avait donné durant son règne. Elle traversa un long couloir de pierre, avant d'arriver au pied d'un escalier, et d'une immense porte arrondie.

— Attendez ici que l'on vous annonce.

Tiliana patienta devant la porte durant de longues minutes. La faire attendre ainsi ne pouvait émaner que de la volonté du Roi Pierre. Il jouait avec elle, mais elle ne lui ferait pas le plaisir d'en tenir compte. Finalement, après de longues minutes, un valet apparut et annonça d'une petite voix aigue qu'elle allait être reçue. Tiliana prit une dernière fois une grande bouffée d'air avant de plonger au milieu des requins.

Tous les regards se braquèrent sur elle dès son entrée. Un morceau de viande après une année de famine n'aurait pas attiré plus l'attention. Elle releva fièrement la tête, il ne fallait pas qu'elle laisse transparaitre la moindre émotion. Prenant son temps, elle s'avança vers le trône. Son propre regard fut aussitôt attiré par ce jeune homme qu'elle connaissait bien, et qui se tenait sur les marches, à proximité du trône. Il avait revêtit une tunique aux motifs royaux, et ses bottes avaient été cirées pour l'occasion. Ses cheveux de jais tranchés avec la pâleur de sa peau parfaite. 

Tiliana d'Ovra - Les Sans PeupleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant