Chapitre 29 - Les métamorphes

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Ils parcoururent en une nuit à peine, la distance qu'ils avaient prévu de couvrir le lendemain, ne s'arrêtant que rarement pour franchir des passages un peu plus compliqués, étroits ou abruptes. Au fur et à mesure qu'ils avançaient dans les montagnes, les sentiers devenaient étroits et pentus, dangereusement praticables, et les lieux de vie de la vallée faiblement éclairés leur apparaissait plus nettement. Les éboulements étaient fréquents. A maintes reprises, le cheval glissa sur les portions rocailleuses qu'il leur arrivait de rencontrer, mais Lucas qui était excellent cavalier, lui permettait à chaque fois de rétablir son équilibre. Ils n'y voyaient presque rien, et la brume qui commença à les entourer peu à peu lorsqu'ils passèrent les sept cents mètres d'altitude les handicapa encore d'avantage. Par chance, Tiliana resta éveillée sans difficultés, et n'eut aucun mal à indiquer le chemin au jeune Prince qui guidait le cheval.

De temps en temps, il la sentait frissonner, et le fait qu'elle ait la chaire de poule ne lui avait pas échappé, mais il n'avait plus aucun habit à lui donner. La seule solution aurait été qu'elle se transforme à nouveau en animal, mais ils n'auraient plus pu communiquer ensemble, et cela lui aurait coûté trop d'énergie. Il se contenta d'essayer de lui transmettre sa propre chaleur corporelle, ce qui calma, dans un premier temps, les tremblements. Le cheval représentait lui aussi une source de chaleur non négligeable. Ils n'échangeaient que peu, n'ouvrant la bouche que lorsque cela était nécessaire. Chacun réfléchissait à ce qui venait de se passer, et aux situations qui ne manqueraient pas de se présenter.

— A cette allure, nous y serons d'ici cinq heures, annonça-t-elle alors que le brouillard qui les entourait s'épaississait. Lorsque nous arriverons, il vaudrait mieux que tu me laisses parler.

— Seulement si tu ne me promets de ne pas dire n'importe quoi.

— Tu n'as toujours pas confiance en moi ? Demanda-t-elle, piquée au vif.

— Si... je te fais confiance, murmura-t-il la bouche contre ses cheveux.

Ils retombèrent dans un mutisme constant. Leur visibilité se dégrada encore durant l'heure suivante, en fait, elle se détériora tellement, qu'ils furent obligés de mettre pied à terre, et de marcher devant Krigan, dont seul le bruit des sabots sur les pierres dont le chemin était parsemé brisaient le silence. Lucas le tenait par la bride, pendant que Tiliana les précédait en ouvrant la route pour les guider.

Le jeune homme était sur ses gardes. L'endroit avait quelque chose de mystique qui ne lui plaisait pas du tout. Il avait l'impression de sentir des présences autour de lui, d'être épié. Au moindre petit courant d'air dans les branchages, il s'apprêtait à dégainer son arme. Tiliana, pour sa part, avait l'air parfaitement détendue, elle était en terrain connu. Elle voyait bien qu'il était mal à l'aise, et peut-être avait-il raison de l'être. Après tout, cela faisait près d'une demi-heure qu'ils étaient suivis. Elle avait repéré une trace d'ours fraiche contre un arbre, une longue entaille profonde, qui avait sciemment était laissé visible. Ils voulaient qu'elle sache qu'ils étaient là.

Plus ils montaient sur les hauteurs, plus le paysage devenait désertique. La végétation, bien que présente, se raréfiait, et l'air se refroidissait encore. Devant lui, la jeune Princesse Sans Peuple se mit à tituber de plus en plus régulièrement sous la fatigue. Il allait lui proposer de s'arrêter un peu, lorsqu'il l'aperçut.

Une grande palissade en bois et en pierre délimiter le village dont la porte était ouverte. Ils étaient encore loin, mais aucun bruit ne semblait s'en dégager, et aucun garde n'était posté à l'entrée.

— Nous y sommes, lui cria Tiliana en accélérant le pas, ils nous attendent.

— Très bien, je te suis. Serons-nous bien accueillis ?

Tiliana d'Ovra - Les Sans PeupleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant