Lucas se réfugia dans sa propre salle de travail attenante à sa chambre. Il étouffait. L'étrange proposition de Tiliana avait plongé tout son être dans une sorte d'excitation. Elle représentait pour lui un véritable mystère qu'il souhaitait par-dessus tout réussir à déchiffrer. Elle semblait raisonner comme aucune autre. Personne ne se serait jeté dans la gueule du loup comme elle le faisait, et pourtant, elle ne paraissait pas angoisser. En même temps, une autre émotion se disputait à la première, un sentiment qui lui était presque étranger, tant il ne le ressentait que rarement. Il avait peur pour elle.
Lorsqu'il l'avait vu entrer dans la grande salle, il en avait eu le souffle coupé. Sur la route, déguisée en vagabonde, elle était belle. Dans une tenue royale, elle était à couper le souffle, et la fierté dont elle faisait preuve décuplait encore son charme. Sa longue tunique fendue sur les côtés était taillée dans un tissu fin qui accompagnait chacun de ses mouvements, et ses cheveux rassemblés en chignon dégageaient sa nuque gracile et faisait ressortir ses hautes pommettes et ses grands yeux noirs. Pendant tout le temps qu'elle avait passé à remonter la pièce jusqu'au trône, il n'avait pu défaire son regard d'elle.
Elle paraissait si fragile au milieu de tous ces hommes. Il aurait voulu allait vers elle, la prendre dans ses bras, et l'embrasser, renouveler ce baiser qu'ils avaient échangé avant de se quitter la nuit où ils avaient libéré le jeune Tory... ensembles. Si seulement il avait pu lui assurer que tout irait bien pour elle, qu'il ne laisserait personne lui faire du mal... mais son père allait accepter la proposition de Tiliana, et elle serait alors entièrement à sa merci.
Il avait été surpris d'apprendre ce qu'était vraiment ce livre qu'il avait vu chez elle, dans la forêt. Il avait entendu parler de ce bouquin, comme tous, mais il avait toujours pensé qu'il ne s'agissait que d'une légende inventée pour permettre de légitimer les massacres de soldats devenus de grands héros. Le livre des prophéties, comme son nom l'indiquait, contenait le destin de nombre de personnes, des héros de ce temps, sur la centaine d'années à venir, et la centaine d'années passées. Celui qui mettait la main dessus possédait la connaissance de l'avenir des grands royaumes jusqu'à leur disparition même. Cela expliquait l'attachement de Tiliana pour celui-ci, et le soin qu'elle lui avait accordé et dont il avait été témoin.
Sa réflexion fut interrompue par la porte qui s'entrebâilla doucement, comme si un courant d'air l'avait poussé. Une petite main attrapa le bâtant de celle-ci et la tête d'Astride apparut. Ses longs cheveux noirs étaient en désordre, et ses petits pieds nus étaient recroquevillés sur le sol froid. Les joues rouges et la respiration haletante, elle venait de traverser tout le château en courant pour retrouver son frère. Lucas haussa les sourcils, prenant volontairement un air désapprobateur.
— Où sont passées tes chaussures jeune fille ?
La fillette grimpa sur les genoux de son frère sans se soucier de ses remarques.
— Dis, c'est vrai ce qu'on raconte ? Tiliana est dans le palais ?
Lucas déposa un baiser affectueux sur le front de sa sœur en soupirant.
— Oui, c'est vrai.
— Est-ce que je peux la voir ? S'enthousiasma-t-elle.
— Non, tu ne le peux pas. Ecoute Astride, je voudrai que tu oublies Tiliana, au moins pour quelques temps. Est-ce que tu ferais ça pour moi ?
Elle le dévisagea, surprise par sa demande.
— Pourquoi ? Est-ce qu'elle a fait quelque chose de mal ? Demanda-t-elle innocemment.
La question flotta dans l'esprit de Lucas un moment. Tiliana avait-elle fait quelque chose de mal, en effet ? Sa seule véritable faute était d'être née princesse d'Ovra, et d'avoir permis à ses gens de vivre libres, sans être hostiles pour autant au royaume d'Arcin.
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Tiliana d'Ovra - Les Sans Peuple
Paranormal*AUCUN PLAGIAT N'EST AUTORISE* Le Roi Pierre d'Arcin mène une politique sévère après des années de conflits avec son voisin, le Royaume d'Ovra dirigé le Roi sorcier Périphène. Dans la ville d'Erramore, capitale du royaume, les Sans Peuple nés de pa...