Chapitre 18 : La petite maison dans les cimes

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La petite maison cosy de la famille, se trouvait en périphérie du centre-ville, dans les célèbres Pommetier de Wezenn. Ses fruits étaient connus pour leur goût curieusement acide, qui servait à faire des bonbons gourmands dans le monde entier. Leur couleur jaune fluo et les lucioles attirées par cette étrange teinte illuminaient la zone. Malgré leur folle course dans les tunnels, les trois amis étaient remplis d'énergie. Mouk taquinait son frère et sa soi-disant amoureuse sur toute la longueur du trajet. Chaque branche, chaque feuille, chaque bout d'écorce pouvait l'amener à une nouvelle plaisanterie.

Il pointa du doigt les puissantes branches en hauteur qui soutenaient de petites cabanes en bois, ingénieusement décorées.

-On habite là ! Tu verras, maman a toujours été très gentille avec les copines de Ruz.

-Me voilà rassurée. Par contre ne lui parle pas de la bague de fiançailles tout de suite. Laisse nous lui annoncer nous-même.

Ils se mirent à glousser bruyamment sous le regard stoïque de Ruz.

-Je trouverais bien un moyen de te faire déshériter sale mioche.

Ils grimpèrent à la robuste échelle. À la base du tronc, les maisons étaient habitées principalement par des personnes âgées. Leurs maisons étaient plus grandes, plus belles que celles qui les surplombaient.

Eil devina aisément que les jeunes couples se trouvaient dans les hauteurs. Grimper aussi haut tous les jours, c'était tout un programme. Les habitations devaient être en toute logique moins quotées et donc moins chères. En s'enrichissant les ménages devaient descendre de branche en branche jusqu'à atteindre les maisons de bois sur le sol, plus facilement accessibles pour des personnes âgées.

La maison de Ruz était haute. Une famille nombreuse, peu de sous dans les poches. Mais peu importe. À Wezenn la nourriture coulait à flot. La température était tendre avec les habitants. L'argent ne symbolisait pas grand-chose.

Mouk fut le premier à passer le seuil de la maison perchée. Il entra sans frapper. Dans la maison flottait une odeur de soupe. Malgré l'heure excessivement tardive la pièce principale était remplie d'énergie.Une belle femme entre deux âges, un peu enrobée, houspillait sur ses rejetons qui sautaient sur le canapé.

-Melen ! Glas ! Arrêtez ça tout de suite ! Larundra ! Dis quelque chose !

-Hum, fit le paternel en fumant aveuglement sa pipe, les yeux perdus dans le nuages de tabac qu'il créait.

-On est rentré maman ! s'écria Mouk avant de rejoindre ses deux frères sur le canapé.

La mère poule se détourna des ressors du canapé qui menaçaient de rendre l'âme sous les sauts incessants des garnements.

-Ruz ! Mon chéri, comment vas-tu ? Il n'y a pas trop de grabuge en bas ?

Elle s'avança jusqu'à lui et l'étreignit de toutes ses forces. Le sang monta dans ses joues, honteux de cet élan d'amour familial devant son amie. Eil fut, elle, déconcertée par cette situation. Elle n'avait jamais vu quelque chose de semblable. La mère de Ruz dégageait autant de chaleur que la reine était froide. Ce dépaysement fut rapidement remplacé par un attendrissement soudain. Eil laissa son sourire s'étirer sur ses lèvres.

-Bonjour madame. Je suis Gevier, une amie de Ruz. Il a proposé de m'accueillir à cause des émeutes en bas. J'espère que cela ne vous dérange pas.

-Mais pas du tout ma chère ! Mais attention, pas de « Madame » ici ! Appelle-moi donc Mammig.

Eil pensa à sa mère qu'elle n'avait même pas le droit de tutoyer. Mammig se tourna de nouveau vers le canapé, prit sa voix la plus rauque et hurla sur ses enfants d'aller se coucher immédiatement. Les sautillements s'arrêtèrent instantanément. Ils filèrent vers leur chambre sans demander leur reste.

-Ils n'ont pas école demain ? demanda Ruz en fixant l'horloge de la cuisine.

-Étonnamment non. Le département des récoltes publiques estime que la saison des fruits à coque est en avance d'une semaine.

-Oui j'ai vu ça dans le journal officiel, se souvenu Eil.

-Les vacances sont avancées donc. Mais dis-moi Gevier, serais-tu intéressée par une tisane ? Ensuite je t'installerais ton lit et...

Son regard s'arrêta sur le canapé malmené.

-Hum. On trouvera une solution.

-C'est très aimable de votre part mais je ne pourrais pas rester dormir.

-Reste donc, tu ne déranges pas promis. Par les temps qui courent mieux vaut pour les vagabonds trouver un toit pour dormir.

Ce n'était en rien une insulte, il s'agissait d'un mode de vie courant dans le pays. Eil ne démentit pas cette supposition. Voilà l'ouverture parfaite qui recouvrit pas mal de questions qu'on pourrait lui poser. Elle était presque fière qu'on puisse l'imaginer vivre cette vie entre les arbres, aussi libre que le vent.

-Je partirais tôt dans ce cas, encore merci.

Ruz qui était déjà dans la cuisine à trier les paquets de tisane en vrac l'interpella.

-Migrabeille, Damavalou ou Piwi ?

-Migrabeille, toujours !

-Je vois qu'on a de bonnes bases, chère dresseuse de caillou.

Mammig invita Eil à s'installer autour de la table. Elle prit place avec plaisir, apaisée par cette ambiance chaleureuse. Les émeutes, son mariage, sa dispute avec Ael tout ça paraissait si loin. Ruz mit de l'eau à bouillir sur les plaques chauffées par la tuyauterie publique. Mammig sortit les tasses en fredonnant pendant que le paternel de la famille finissait sa pipe discrètement dans un fauteuil au fond de la pièce.

-Comment ça se passe en bas ? La foule a commencé à s'agiter après la messe.

Ruz versa l'eau chaude dans les tasses.

-Un bazar sans nom. Je n'ai jamais vu ça. Ils étaient complètement fous.

Un bruit sec résonna dans la maison. Toc toc. Leurs têtes se tournèrent vers la porte. Eil chercha en vain une explication sur le visage de la mère et de son fils. Elle n'y trouva que des sourcils plissés par la surprise. Le visiteur derrière la porte n'était pas attendu.

Lorsque Les Arbres Auront Des CrocsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant