Chapitre 6 : Huis-clos

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Les percepteurs de Eil lui donnèrent une dose excessive de travail suite à cette journée quelque peu rebelle. La grande reine Rouanezh II y était sûrement pour quelque chose. Eil dû s'enfermer dans sa petite bibliothèque pour la semaine et travaillait dur pour rattraper son retard. Elle souhaitait terminer au plus tôt pour pouvoir accueillir au mieux sa grande sœur lors de son retour de son voyage diplomatique, à l'autre bout du monde. Kentan, la princesse héritière rousse, était partie un mois dans le pays de son fiancé et revenait la semaine suivante. Eil espérait qu'on donnerait à sa sœur quelques jours de repos suite à son voyage et que le poids de l'héritage du trône ne lui serait pas immédiatement remis dans ses bras. Kentan et Eil étaient très proches plus jeunes, mais leurs destins divergents les avaient éloignées contre leur gré. Trop de travail, trop de responsabilités.

La semaine s'était passée de la manière suivante : Ael endormi seul devant la chambre de la princesse. À maintes reprises, Eil voulut punir Gwarz et Archerien, ces deux feignasses incompétents. Mais Ael l'en dissuada, lui expliquant que cela faisait partie de la « tradition » et que ce serait pire si elle intervenait. Ensuite, ils se rendaient à la bibliothèque. Travail, travail, travail. Eil restait penchée sur son bureau, une plume à la main, un livre dans l'autre. Les discussions complices entre les deux prisonniers de cette bibliothèque étaient rares, mais elles existaient bel et bien. Comme la fois où les nouveaux manuels sur l'étiquette leur avaient été livrés et où ils passèrent une bonne heure à en faire des confettis.

Ael, dans son profond ennui, s'était mis au ménage approfondi de la bibliothèque. Rangement, dépoussiérage, les carreaux, le sol, tout y est passé. Lorsqu'il finit de décorner tous les livres de la pièce, il se mit au jardinage : le grand amour de sa vie. Il se débrouilla pour amener les plantes grimpantes du mur extérieur à pousser sur les murs et les armoires de la bibliothèque.

-Il faudra encore quelque mois pour que ça remplisse à peu près le mur.

-Les plantes ne risquent pas d'abîmer les livres en humidifiant la pièce ? Déjà que tu as dû faire un trou dans la fenêtre pour qu'elles passent.

-Pour ce qu'on en fait des livres dans cette bibliothèque.

Pour démontrer ses mots, il ramassa un morceau de feuille sur le bureau de la princesse qui avait, il y avait longtemps, appartenu à un manuel sur l'étiquette. Ils ricanèrent ensemble quelques secondes.

-De plus, ces plantes s'illuminent en hiver. Ça donnera un peu de lumière et de chaleur à cette pièce.

-C'est fou tout de même, toutes ces plantes étranges qui poussent dans le coin.

-Ah ça ! Les fleurs, les arbres, tout ça évolue extrêmement vite. On peut voir des plantes muter de façon spectaculaire en seulement quelques années. C'est ça le jardinage ! Contrôler ces mutations et les mettre à notre avantage. Vous pensez que mon rêve se résumait à planter deux graines dans un parc ?

-J'admets que cela m'a traversé l'esprit. En quelque années seulement dis-tu ?

-Oui, je sais, c'est déconcertant. C'est pour ça que les montagnes d'arbres se déforment aussi vite et qu'on a autant de variété de fruits. Ça vient du sol tout ça. J'ai même appris récemment qu'à Morglas, le pays de votre cher poisson clown, que même leurs animaux marins évoluaient de la sorte, à cause des algues bizarres qu'ils mangent. Quand les études scientifiques sont sorties, ça a fait du grabuge. L'idée que cette force vienne du sol et non pas directement des arbres ça a un peu discrédité le discours du culte des grands arbres.

La semaine s'écoula ainsi, entre travail, poussière et plantes grimpantes. Quelques rires, quelques sourires.

Lorsque Les Arbres Auront Des CrocsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant