Chapitre 4

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Lyssandra se mit en route pour le village dès le lendemain matin. Kristal lui avait donné mille recommandations pour sa bobine. La Neutre était certaine que la vampire ne trouverait jamais "fil à son aiguille", même si elle lui ramenait le plus précieux de tous.

Heureusement, les sentiers des bois avaient quelque peu séché depuis l'avant-veille et étaient plus praticables, ce qui n'empêchait pas Lyssandra de prendre garde à ne pas glisser. Il avait beau ne pas faire très froid, elle avait pris la peine d'enfiler son long manteau bleu pâle aux bords effilochés. Un sac de jute aurait sûrement été plus seyant mais elle ne pouvait pas se permettre de caprices au sujet de ses vêtements. Il était assez chaud, c'était le plus important.

Quand il ne pleuvait pas et que le ciel était bleu comme ce jour-là, Lyssandra adorait marcher en forêt. Les chemins étaient la plupart du temps déserts ce qui laissait libre parole aux chants de la nature. Le printemps tout juste arrivé avait redonné aux arbres des feuilles que le vent faisait doucement bruisser et avait ramené les oiseaux qui gazouillaient gaiement depuis le ciel. La jeune fille trouvait que la nature était bien plus agréable à écouter que la plupart des gens qu'elle connaissait.

Lorsqu'elle arriva au virage où elle s'était vautrée l'autre soir et avait croisé les yeux du loup-garou au milieu des arbres, elle s'arrêta presque inconsciemment. Elle sonda du regard la zone où les iris argentés avaient miroités. Lyssandra fut même tentée de s'avancer entre les végétaux pour repérer d'éventuelles traces de pattes, mais y renonça. À quoi cela l'avancerait-elle ? Au mieux, elle risquait de discerner une esquisse d'empreinte et au pire, de se prendre les pieds dans une branche et de tomber à nouveau, ce dont elle se savait parfaitement capable.

La voix de la raison l'ayant emporté, elle se détourna et reprit son chemin. Au moins aurais-je pu être certaine de ne pas avoir halluciné, pensa-t-elle lorsqu'elle eut dépassé le virage d'une bonne centaine de mètres. Je n'ai pas besoin de me préoccuper davantage de cette stupide mésaventure, se raisonna-t-elle tant bien que mal pour se forcer à ne pas faire demi-tour.

Alors qu'elle était à un nouvel embranchement, une voix l'extirpa finalement de son dilemme. Elle s'arrêta puis se tourna vers la gauche où elle repéra une silhouette à une trentaine de mètres.

— Et mince ! s'agaçait la personne. Quelle idée ai-je eu de...

La fin de sa phrase s'acheva en un grognement désespéré. Lyssandra s'approcha doucement jusqu'à pouvoir distinguer un jeune homme d'à peu près son âge. Il se démenait tant qu'il pouvait avec un pauvre chariot en bois dont les roues avant étaient enlisées dans des restes de boue. Elle aurait dû continuer sa route sans en faire cas. Elle n'avait pas de temps à perdre avec un empoté qui allait sans doute l'envoyer balader.

— Besoin d'aide ? demanda-t-elle pourtant en s'arrêtant à distance respectable au cas où il s'agirait d'un loup-garou méprisant.

Le jeune homme releva brusquement la tête et lâcha le petit véhicule, n'ayant vraisemblablement ni vu ni entendu Lyssandra arriver. Un seul coup d'oeil au bracelet blanc qu'il portait au poignet suffit à lui assurer qu'il était un Neutre.

— Désolée, je ne voulais pas te faire peur, s'empressa-t-elle de balbutier comme il faisait une drôle de tête.

— Ce n'est pas de ta faute, lui assura-t-il un peu trop précipitamment sans cesser de la fixer bizarrement.

Ne sachant comment réagir, Lyssandra prit le temps de l'observer à son tour. Ses cheveux étaient bruns, ses yeux marron et sa peau légèrement cuivrée. Contrairement à la plupart des Neutres, il n'avait pas cette affreuse pâleur qui les caractérisait. Elle remarqua aussi qu'il était relativement grand mais qu'il n'avait pas l'air très costaud, ce qui expliquait sans doute ses difficultés avec son chariot.

Cendres de Lune [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant