Chapitre 19

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Si Kristal avait pu aller au village perchée sur un char pour clamer sa joie à la foule, elle l'aurait fait. Son état d'excitation donnait le tournis. Dame Miranda avait finalement accepté que ses filles et elle se rendent à la capitale la nuit suivante, ce qui avait suscité une joie extrême chez la petite rousse. Lyssandra avait passé la fin de l'après-midi à préparer le petit carrosse, ce qui impliquait d'y atteler Galbot. Le cheval détestait ce véhicule et l'avait fait savoir en envoyant des coups de sabots de tous les côtés.

Mais la jeune fille avait rapidement oublié ces déboires lorsque Kristal avait pris les rênes tandis que ses deux complices montaient à bord. Désormais, debout devant la fenêtre du salon, Lyssandra observait le carrosse noir dépasser le portail du manoir. À peine eut-il disparu dans la nuit qu'elle se rua jusqu'à l'étage des vampires.

Peu lui importait de grimper les escaliers en tapant des pieds avec fracas, la demeure était vide. Elle avait le champ libre pour faire ce qu'elle voulait, ce qui dans l'immédiat, impliquait de fouiller la chambre de Dame Miranda.

Elle avait préparé son coup toute la journée. Sortant le tournevis caché dans une des poches de sa robe grise, elle entreprit de triturer la serrure dans tous les sens. C'était la première fois que Lyssandra faisait une chose pareille. Elle aurait dû être gênée d'agir comme une voleuse, mais c'était loin d'être le cas. Elle avait le sentiment de prendre une minuscule revanche tandis qu'elle s'affairait après cette serrure.

Au bout de longues minutes, elle entendit un déclic. Elle poussa un court soupir de soulagement lorsque la porte s'ouvrit. Sur un long chemin semé d'obstacles, c'était déjà une petite victoire.

Même si elle connaissait la chambre de Dame Miranda, la Neutre fut encore une fois frappée par sa splendeur. Les murs étaient peints d'un rouge très foncé. La pièce aurait pu paraître austère s'il n'y avait pas tous ces miroirs aux bordures dorées. La maîtresse des lieux adorait les miroirs. Ne ratant jamais une occasion pour s'y mirer, il y en avait des dizaines, tous de tailles différentes.

N'ayant pas de temps à perdre avec son piètre reflet, Lyssandra alluma trois chandelles qu'elle avait elle-même apportées. Si elle utilisait celles de la chambre, Dame Miranda le remarquerait. Et là était bien toute la difficulté de sa tâche : la vampire prêtait toujours attention à chaque détail. La moindre trace de cire dans un bougeoir, le plus infime changement de place d'un bibelot, l'unique déplacement d'une feuille de papier... La Neutre saisissait à quel point il lui fallait être minutieuse.

Un autre problème s'imposa rapidement, elle ne savait pas par où commencer. Il y avait des centaines de cachettes possibles. Sa bague pouvait aussi bien être dans la grande armoire en bois richement sculpté qui trônait dans un coin que dans la table de chevet posée à côté de l'immense lit à baldaquin. Lyssandra opta finalement pour la commode près de la grande fenêtre aux volets clos.

Elle ouvrit le premier tiroir. En apparence, il ne renfermait qu'un nombre incalculable de corsets. Mais n'importe quoi pouvait être caché dessous. La jeune fille mémorisa pendant quelques secondes la disposition exacte de chaque sous-vêtement avant de commencer à en ôter quelques-uns. Les corsets des vampires étaient bien différents de ceux des Neutres ou même des loups-garous. Comme les créatures sanguinaires pouvaient se passer de respirer, tout était fait pour que l'objet soit le plus rigide possible. De plus, les lacets étaient raccourcis pour encourager sa porteuse à serrer le plus possible si elle voulait pouvoir l'attacher de haut en bas.

Pour une fois, Lyssandra fut contente d'être une pauvre Neutre insignifiante : au moins n'avait-elle pas à porter ces instruments de torture. Cela lui importait peu de ne pas pouvoir faire le tour de sa taille avec ses doigts, comme c'était la mode chez les vampires.

Cendres de Lune [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant