Chapitre 30

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Les couloirs du palais étaient assez sombres et étroits, ce qui faisait l'affaire de Lyssandra. Elle pouvait appuyer une main contre un mur en cas de vertige, sans parler de Julian qui restait près d'elle comme s'il avait peur qu'elle ne s'effondre à tout moment. Après avoir tourné à de multiples intersections, ils arrivèrent jusqu'à une grande porte vitrée. Deux gardes se tenaient devant, parfaitement immobiles. Julian échangea quelques mots avec eux, sans que la Neutre ne puisse réellement suivre la conversation. Elle comprit simplement que les gardes étaient bien contents d'avoir été assignés à l'écart des festivités.

Dès qu'ils ouvrirent la porte vitrée, la jeune fille laissa l'air frais de la nuit emplir ses poumons. Elle se sentit instantanément mieux, d'autant plus que le carré d'herbe qui s'étendait face à elle était aménagé de différentes plantes, toutes dégageant une douce odeur envoûtante. L'endroit n'était à proprement parler pas très grand, et elle ne réalisa pas tout de suite qu'ils se trouvaient simplement sur un toit aménagé en "jardin-terrasse". Elle s'en rendit compte lorsque Julian l'invita à s'assoir sur un banc installé près de créneaux en pierre, au-delà desquels s'étendait une vue plongeante sur le village. On pouvait d'abord voir les toits en ardoise de l'Ancien Quartier, avant de discerner les lumières de l'allée principale. Un vague air de musique et des chants joyeux leur parvenaient depuis le village, signe que les gens festoyaient même s'ils n'avaient pas été conviés au château.

— J'avoue que cet endroit porte le nom de "jardin" uniquement parce que c'est le seul coin de verdure du palais, déclara Julian en désignant les quelques plantes qui les entouraient. Mais comme nous sommes entourés par le village, nous pouvons difficilement avoir un parc...

Lyssandra reconnut de la lavande qui poussait dans un bac de terre, ainsi que de magnifiques lys blancs mouchetés de ce qui semblait être du rose. Comme seule la lumière de la pleine lune les éclairait, il était difficile de distinguer nettement leur couleur.

Levant la tête, la Neutre observa le disque argenté qui brillait dans un ciel constellé d'étoiles. Elle se souvint de la dernière fois qu'elle avait observé la lune étinceler ainsi. Revinrent la forêt, la pluie, la boue, l'inquiétude qu'elle avait ressentie à l'idée d'arriver en retard au manoir... Tout cela lui semblait désormais bien lointain, de même que les yeux gris du loup qui avaient transpercé l'obscurité. Ces yeux qui l'avaient tant fascinée et avec lesquels elle avait partagé un instant hors du temps.

Un instant qu'elle avait presque cru avoir rêvé.

Or, tout avait été réel. Cette nuit-là, elle avait rencontré Julian.

— Pourquoi... Pourquoi ne m'as-tu pas dit qui tu étais ? murmura Lyssandra en se détournant de l'astre scintillant.

Ne se sentant pas capable de supporter le regard du jeune homme, elle baissa la tête vers les fleurs doucement remuées par la brise.

— Pour des raisons égoïstes, j'en ai bien peur, déclara-t-il d'une voix à peine audible.

Elle attendit qu'il poursuive, mais il ne dit rien.

— Je voudrais simplement savoir si tout n'était qu'un jeu pour toi, fit-elle en s'obligeant à le regarder. As-tu seulement été pris par un élan de pitié en voyant cette pauvre Neutre tombée dans la boue ? Avais-tu tout prévu depuis le début, de notre pseudo rencontre avec ton chariot jusqu'à... Jusqu'à nos cours de danse ? As-tu éprouvé de l'amusement à te faire passer pour un Neutre tout en sachant très bien qu'une fois ton oeuvre de charité terminée, tu retrouverais ta vie de loup-garou ?

Cendres de Lune [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant