Chapitre 14

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— Je suis certain qu'Alisée exagère.

Julian était vraiment têtu. Depuis qu'ils s'étaient retrouvés à leur croisement, Lyssandra s'efforçait de lui expliquer que cela ne servirait à rien de parler du contrat à Dame Miranda. Ils avaient passé tout le trajet à se chamailler et continuaient désormais à la taverne du village. Ils étaient revenus à la même que celle où ils avaient déjeuné l'autre fois. À peine Julian avait-il eu terminé son assiette qu'il était revenu à la charge. Selon lui, Alisée était jalouse et refusait d'admettre que Lyssandra puisse quitter le manoir.

— Tu me donnes mal à la tête, marmonna la Neutre qui était encore occupée à finir un morceau de pain.

Contrairement à la dernière fois, la taverne était bondée, aussi bien de loups-garous que de Neutres. Avec le brouhaha des conversations ajouté à l'air entêtant que jouaient les musiciens, Lyssandra avait l'impression d'être enfermée dans un tambour. Surtout qu'ils étaient tout au fond de la salle et que pour sortir, ils allaient devoir obliger quelques personnes à avancer leur chaise ou leur tabouret. Elle imaginait déjà les remarques cinglantes qu'ils allaient essuyer.

— Essaye de parler à Dame Miranda d'un sujet banal et glisse une allusion au contrat, insista Julian sans quitter la jeune fille des yeux. Dis-lui quelque chose du genre...

— Je t'ai dit qu'il n'en était pas question, le coupa-t-elle en se retenant de frapper du poing sur la table.

L'atmosphère insoutenable de la salle réduisait sa patience et elle n'était plus tout à fait maîtresse de ses esprits.

— J'ai déjà réfléchi aux conséquences que cela aurait si elle refusait. Je ne pourrais peut-être même plus aller au village ou alors elle durcirait le couvre-feu.

— Et comment ferait-elle si tu ne pouvais plus faire ses commissions ? Les vampires commencent à revenir dans les rues pendant les nuits mais ça m'étonnerait qu'elle aille elle-même taper aux portes de toutes les boutiques...

— Eh bien elle enverrait Kristal ou Alisée ! rétorqua Lyssandra. Écoute, je n'ai pas envie de me disputer avec toi. Je sais que tout ce que tu veux faire, c'est m'aider mais... C'est ma vie, Julian. Pour l'instant, elle est meilleure que d'habitude alors je ne veux pas tout risquer pour rien.

Il la fixa et sembla chercher quelque chose à répliquer.

— Il faut savoir arrêter de jouer quand on a assez gagné, conclut-elle en émiettant les restes de son pain.

Elle ne pensait pas pouvoir parler aussi sagement. Il fallait dire qu'elle avait passé toute la nuit à peser le pour et le contre. Après moult tumultes dans ses pensées, elle en était venue à la conclusion qu'elle s'était assez plainte de sa vie comme ça. Si elle faisait le bilan de l'état actuel de sa situation, tout n'était pas si désespéré : elle avait ce qu'elle croyait être un ami. Peut-être se lasserait-il de sa compagnie lorsqu'il se serait complètement habitué à la Terre du Diamant, mais pour le moment, elle était heureuse de se lever le matin en se disant qu'elle aurait quelqu'un à qui parler.

Un Neutre comme elle, qui se souciait un tant soit peu de son existence.

— Ce n'est pas exactement ce que j'appelle gagner, grommela Julian.

Lyssandra leva les yeux au ciel et décida de changer de sujet une bonne fois pour toutes.

— Tu as des nouvelles de ta famille ? le questionna-t-elle avec intérêt. Tes parents ou ton frère t'ont écrit ?

Julian lui lança un regard qui signifiait clairement qu'il n'avait pas l'intention de lâcher l'affaire, mais il joua quand même le jeu.

Cendres de Lune [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant