Chapitre 7

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Kristal resta enfermée dans sa chambre pendant trois jours et trois nuits, affairée à terminer la confection de sa robe. Elle faisait régulièrement appeler Lyssandra pour satisfaire sa soif de sang que la couture semblait décupler. Par curiosité, la Neutre essaya maintes fois d'apercevoir la création de la vampire, mais cette dernière refusait que quiconque pose les yeux dessus avant qu'elle ne soit parfaite.

Lorsque Alisée passait devant le repaire de la petite rousse, elle n'hésitait pas à lui lancer une remarque piquante pleine de sarcasme :

— Même les robes de la femme du Grand Alpha ne mettent pas autant de temps à être cousues, fit-elle le soir du troisième jour en s'arrêtant devant la porte close de sa sœur. Nous allons être obligées d'organiser un bal ici même pour honorer un tel chef-d'oeuvre...

Lyssandra, qui passait le balai dans le couloir, ne put s'empêcher d'esquisser un sourire.

— Moque-toi tant que tu le voudras, ma très chère Alisée, répondit Kristal depuis sa chambre. Tu vas bientôt me supplier à genoux d'avoir la bonté de te fabriquer une robe comme celle-ci.

— Je commencerai peut-être par des sous-vêtements. Au moins, même s'ils sont affreux, seul un nombre limité les verra...

Quand enfin arriva le jour fatidique de la révélation de son ouvrage, Kristal organisa toute une mise en scène qui irrita Dame Miranda. Cette dernière, Alisée et même Lyssandra devaient attendre dans le hall que la grande créatrice descende l'escalier vêtue de sa robe.

— Plus nous patienterons, plus nos attentes seront hautes, lança la plus ancienne des vampires dans l'espoir que Kristal daigne montrer son nez. Je n'ai pas toute la nuit devant moi.

Elle commençait à prendre son air féroce, sa voix étant aussi tranchante que des lames de verre. On entendit finalement craquer la première marche de l'escalier et Kristal entama sa descente. La Neutre s'était préparée mentalement à ne pas éclater de rire si le résultat était aussi ridicule qu'elle l'avait imaginé, mais Alisée ne s'était visiblement pas donné cette peine...

On ne pouvait pas dire que Kristal ne faisait pas tous les efforts possibles pour mettre en valeur sa création : elle avait un port de tête royal et descendait les marches avec une élégance qui aurait pu rivaliser avec celle de sa soeur adoptive. Cependant, rien n'aurait pu sauver cette robe. Lyssandra ne savait trop si c'était le vert hideux du corsage et de la jupe, l'accumulation de dentelle qui pendait de tous les côtés, ou le décolleté bien trop plongeant pour un corps de préadolescente tel que celui de Kristal... La jeune fille en vint à la conclusion que c'était l'addition de toutes ces choses qui rendait l'ensemble si... Elle n'avait même pas les mots.

Alisée essayait de parler mais elle ne pouvait s'arrêter de s'esclaffer, pliée en deux. Lyssandra doutait de l'avoir déjà vu rire comme ça, mais elle devait faire tous les efforts possibles pour ne pas se joindre à son hilarité.

Kristal et Dame Miranda ne gloussaient pas, bien au contraire. La première affichait une expression défaite, ses jolies lèvres roses entrouvertes comme si elle voulait dire quelque chose, mais que le choc l'empêchait de formuler toute pensée cohérente. La seconde avait le visage fermé, toisant sa prétendue fille de la même manière que si elle avait affaire à un chiot chétif qu'elle regrettait d'avoir épargné.

— Tant d'argent passé par les fenêtres, constata-t-elle froidement en lissant sa propre robe noire impeccable. Je suis loin d'être à une pièce d'or près mais...

— Quatre-vingt-dix-huit pièces d'argent, corrigea Kristal d'une petite voix presque inaudible pour ceux n'ayant pas une ouïe surnaturelle. C'est tout ce que ça a coûté.

Cendres de Lune [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant