Chapitre 5

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La légèreté du si plaisant après-midi qu'avait passé Lyssandra fut complètement balayée dans la soirée, lorsqu'un messager vint remettre une lettre à Dame Miranda. L'heure était tardive et Lyssandra s'apprêtait à aller se coucher, ayant déjà laissé les vampires se nourrir, mais la mine que fit la buveuse de sang en lisant la missive l'intrigua. La jeune fille s'attarda dans le salon et s'appuya contre l'un des murs verts, près d'un tableau représentant un paysage montagneux de la Terre des Loups de l'Émeraude. Elle fit semblant de s'intéresser à la robe hideuse que confectionnait Kristal avec le fameux fil qu'elle venait de lui ramener.

— J'avais entièrement raison, déclara la petite rousse lorsqu'elle s'aperçut que la Neutre portait attention à son ouvrage. C'était bien du fil plus épais qu'il me fallait. Maintenant, c'est parfait.

"Parfait" n'était pas le terme que Lyssandra emploierait si elle devait qualifier le travail de la vampire : elle avait choisi un tissu d'un vert affreux et l'on remarquait déjà qu'une manche serait plus bouffante que l'autre. De plus, les coutures étaient si mal faites que même un cheval les aurait mieux réussies avec ses sabots...

Alisée, qui lisait dans un coin comme à son habitude, jeta un bref coup d'oeil à la robe avant d'esquisser une grimace que seule Lyssandra remarqua. Dame Miranda était toujours occupée avec sa lettre et les plis qui se formaient sur son front un peu plus à chaque nouvelle ligne laissaient clairement transparaître la gravité du message.

— As-tu remarqué de l'agitation au village, aujourd'hui ? demanda la vampire à Lyssandra d'une voix étrange.

La Neutre crut y déceler une forme de tension, comme si elle cherchait à relativiser son inquiétude.

— Pas plus que d'habitude.

Elle ne lui demanda pas la raison de cette question, sachant très bien qu'elle devait juste se contenter de répondre. En y réfléchissant, elle songea que son voyage avec Julian avait été si inhabituellement agréable qu'elle en avait peut-être oublié tout le reste. Si cela se trouvait, les villageois s'étaient comportés bizarrement et elle ne l'avait même pas remarqué. Non, c'est impossible, pensa-t-elle. C'était un jour de marché comme les autres.

— Les loups-garous ne murmuraient pas entre eux quelques paroles mal placées sur les vampires ? insista Dame Miranda. Plus que d'ordinaire, du moins ?

Cette question piqua la curiosité d'Alisée et Kristal qui interrompirent toutes les deux leurs activités. On n'entendait plus le bruissement des pages du livre de la première, ni les frottements du tissu de la seconde, seulement le tic-tac incessant de la grande horloge trônant contre un mur.

— Non, fit Lyssandra après une légère hésitation. Je n'ai surpris personne en train de médire de votre espèce.

— Que vous apprend cette lettre ? s'impatienta Kristal qui détestait ne pas être au courant des histoires suspectes. Pourquoi ces questions ?

Dame Miranda prit le temps de relire une dernière fois sa mystérieuse missive avant de la remettre dans son enveloppe et de pousser un long soupir.

— C'est le comité des vampires du village qui me l'envoie. Un vampire a été tué par un loup-garou lors de la dernière pleine lune.

Cette information sembla bien insignifiante aux yeux des deux créatures aux canines pointues, et même à ceux de Lyssandra. Ces incidents avaient beau être peu fréquents, ils faisaient rarement de tapage.

Cendres de Lune [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant