Point de vue Reina
Je suis descendue dans les souterrains pour m'aventurer dans l'entrepôt. J'ai quasiment du éclater une caisse pour récupérer un seul paquet de cigarettes parmi toutes celles que nous distribuons. Après avoir tout remis en place, je suis remontée à la surface de la terre pour aller m'assoir au pied de mon olivier, planté tout au bord de notre falaise. Les larmes inondant mes joues, je veux être coupée de tout, tout oublier et surtout ne plus avoir cette sensation étrange d'être habitée.
Je suis là dans la fraîcheur de la nuit aux alentours des trois heures du matin, assise par terre avec comme bruit de fond les vagues qui se cassent contre la falaise, un paquet de cigarettes, un briquet et un téléphone comme seule compagnie. Les lumières de mon ancienne chambre et des lampadaires extérieurs sont les seules à être plus visibles que les étoiles.
J'allume la première cigarette et tire dessus comme une folle avant de recracher la fumée épaisse et blanche dans un nuage qui s'évapore au dessus de ma tête. Les larmes coulent dans le silence de la nuit et mes doigts ramènent le petit rouleau de papier et de tabac à ma bouche.Cette odeur de tabac qui brûle me ramène à un souvenir et je me laisse fermer les yeux pour le revivre, ne serait-ce qu'un instant, un tout petit instant.
Nous sommes à la maison de Corleone, celle qui ma était cédée par mes grands parents. Toute la famille est là : mes parents, mes oncles et tantes, Anna, Enzo, Gina et Chiara qui ont tout juste trois ans et moi. J'ai cinq ans et je traine sur les genoux de mon grand-père qui fume une cigarette. Il ne fume pas souvent, seulement certaines fois pour des raisons qui m'échappent. Je regarde la fumée s'envoler au dessus de nous alors que ses cheveux sont encore un peu noirs. La maison est comme maintenant, mais pas la même odeur.
Soudain il baisse ses yeux malicieux sur moi, ses grandes mains prennent les miennes. Et il sourit. Je fronce le nez un instant.Moi: Qu'est-ce que c'est ça Nonno ?
Dis-je en montrant d'un doigt maigre la cigarette presque terminée. Mon grand-père rit en toussant le reste de fumée et écrase le mégot dans un cendrier transparent posé sur une table à côté de lui.
Nonno: Une cigarette, ma fille. C'est pour les grandes personnes.
Moi: Mais je suis grande moi !Il rit alors de sa voix rauque rassurante.
Nonno: Un jour oui, tu seras grande.
Moi: Et Gina et Chiara aussi ?
Nonno: Oui mais tu seras plus grande qu'elles.
Moi: Et je serai plus grande qu'Enzo aussi ?
Nonno: Pas en âge mais tu seras plus haut que lui.
Moi: Parce que j'aurais un meilleur travail ?
Nonno: Viens voir.Je glisse des genoux de mon grand-père qui est alors immense par rapport à moi. Ma main accroche la sienne, disparaissant dans son énorme paume. Il m'emmène dehors, le soleil est orange et baigne toute la vallée. Il me soulève pour que je me retrouve dans ses bras.
Nonno: Un jour, tout ça sera à toi pour toujours et personne ne sera plus grand que toi. Tes parents et nous aussi, nous voulons que tu réussisses. Et puis, quand tu seras grande, tu apprendras tout ce que nous t'avons appris à tes enfants. Tu devras les élever comme nous l'avons fait pour toi.
Moi: Mais Nonno, je n'aurais pas le temps, j'aurais trop de travail.Je réponds en haussant mes petites épaules, l'air innocent. Mon grand-père me sourit, béat et fondant. Il esquisse un magnifique sourire qui ressemble à celui de Papa. Dans ma tête d'enfant, je sais déjà qu'un jour je serais la reine de quelque chose, que je serais importante, que j'aurais beaucoup de travail.
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Trono - Parte Due
Ficção AdolescenteRégner sur le monde est ce que j'ai toujours désiré. J'ai été élevée dans ce but et je travaille sans cesse pour rester la seule au sommet de ce pic perçant. On a essayé bien des fois de me faire tomber pour m'enterrer au pied de ce sommet, j'ai rip...