Chapitre 1

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Savannah

La façon dont cet homme pose les yeux sur moi accentue davantage la migraine qui me tiraille l'intérieur du crâne. Pourtant, dès qu'il tourne sa tête vers l'infirmière, ses yeux ne sont plus aussi sombres. Bénéficierait-elle d'un passe-droit ou ce regard noir me serait-il spécialement destiné ? Depuis qu'il est entré dans cette chambre d'hôpital où je me suis réveillé, il y a quelques heures, je n'ai ressenti que de l'animosité à mon égard.

Je ne sais pas ce que je lui ai fait mais il doit m'en tenir rigueur.

J'essaie de me concentrer sur autre chose que sa présence qui me perturbe, et mes yeux balaient rapidement la chambre. Elle semble accueillante. Le lit est confortable, des tableaux accrochés sur les murs peint en vert d'eau rendent l'endroit moins conventionnel, un joli bouquet de roses blanches trône sur la table de chevet et embaume la pièce de son parfum agréable. Je pose à nouveau mes yeux sur lui et je l'observe furtivement. Il est plutôt grand, la trentaine environ, des cheveux châtains clairs bien coiffés, des yeux bleus qui me transpercent à chaque fois qu'il les pose sur moi. Son costume de grande marque, taillé sur mesure, laisse deviner une musculature impressionnante. Au moment où mes yeux remontent le long de son torse pour se concentrer sur son visage, ils entrent en collision avec ce regard remplit de dédain, que seul je lui connais. Je déglutis en esquissant un léger sourire timide qui n' a aucun effet sur lui. Son visage reste figé, ses yeux me scrutent méchamment. Je baisse la tête, honteuse et en même temps, je ressens une immense colère contre mon corps, qui réagit au quart de tour à la proximité de cet homme. Je tourne ma tête vers l'infirmière qui injecte dans la perfusion accrochée à mon bras, un produit dont j'ignore l'utilité. A vrai dire, à cet instant, ce n'est guère ma priorité. Elle tapote doucement le tube et les gouttes commencent à couler petit à petit dans le tuyau, qui mène à l'aiguille plantée sur le dessus de ma main. Sa tâche effectuée, elle me sourit poliment, puis décroche à l'homme un sourire éclatant. A ma grande surprise, il y répond. Ses traits se détendent, rendant son visage magnifique. J'en ai le souffle coupé et mon cœur bondit dans ma poitrine.

Waouh ! Je n'ai pas encore eu droit à ce sourire et je doute y avoir droit un jour.

Il la suit des yeux jusqu'à ce qu'elle sorte de ma chambre, puis se tourne à nouveau vers moi. Son visage a reprit la même expression qu'auparavant. Ma gorge se serre en sentant son regard dur se poser sur moi. Il fait quelques pas, attrape une chaise et vient s'installer près de mon lit :

— Comment te sens-tu ?

Qu'est-ce que je pourrais lui répondre ? Je ne sais même pas comment j'ai atterri dans ce lit. Je ne me souviens de rien. Ni de mon nom. Ni de mon âge. Rien. Le néant dans ma tête. Un trou béant dans mon cerveau.

— Je ne sais pas trop, je réponds tout en essayant d'attraper le verre d'eau sur la table de chevet.

D'un geste poli, mais en soufflant grossièrement, il prend le verre et me le tend sans aucune tendresse. Je hoche la tête, les joues rosies. Je me sens comme un enfant qui vient d'avouer au directeur de l'école, la grosse bêtise qu'il a faite. Je trempe mes lèvres sèches sur le rebord du verre et j'avale difficilement une gorgée puis je lève mes yeux vers lui :

— Qui êtes-vous ? je demande avant d'avaler une autre gorgée.

— Je suis ton mari, répond-t-il sèchement comme si c'était la question la plus idiote qui soit.

Je recrache l'eau qu'y vient à peine d'entrer dans ma bouche dans un geste loin d'être gracieux. Tout en m'essuyant les lèvres avec le revers de la main, je pose à nouveau mes yeux sur lui.

la mémoire ensevelie Où les histoires vivent. Découvrez maintenant