Chapitre 14*

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Alex

Ça doit faire au moins dix fois que je regarde discrètement ma montre. Cette réunion s'éternise et ma patience s'amenuise. Je regarde l'homme qui a mis toute sa confiance en moi et pour l'instant, il ne semble pas convaincu. Je me lève de mon fauteuil et je viens m'asseoir à côté de lui.

Technique d'avocat pour paraître plus accessible.

— Cette entreprise est une bonne acquisition. Son chiffre d'affaire est correct et elle semble tout à fait fiable.

Je lui lance un regard encourageant, mais il paraît encore dubitatif. Je suis bon dans mon domaine et quand je dis qu'il n'y a pas de risques, c'est qu'il n'y en a pas :

— Monsieur Cardon ! j'annonce en m'avançant un peu plus. Cette société est en plein essor, les chiffres vous le prouvent. S'il y avait la moindre raison pour que vous perdiez de l'argent, je ne vous l'aurai jamais proposé.

Il me regarde, l'air songeur, en tripotant sa barbe grisonnante. Je savais que c'était un gros poisson et que je devrais jouer des pieds et des mains pour le convaincre mais là, je crois qu'il joue vraiment avec mes nerfs. J'ai étudié des dizaines de profil type d'entreprises à reprendre, j'ai dégoté toutes les informations nécessaires sur chacune d'entre elles, leurs points forts, leurs points faibles, leurs niveaux d'activité, leurs données comptables. J'y ai passé des jours, ce n'est pas pour me faire planter maintenant. J'essaie quand même de le persuader une dernière fois :

— Cette société dispose d'une bonne notoriété, la clientèle est fidèle depuis de nombreuses années et je dirais qu'elle ne cesse d'augmenter.

Il s'adosse contre son siège, les bras croisés contre sa poitrine mais je ne me laisserai pas intimider. J'en ai maté des plus coriaces !

— Pourquoi vend t-il alors ? demande-t-il en balayant l'air de la main.

Je savais qu'il finirait par me poser cette question et c'est là, que je sors mon atout de ma manche. Je me suis renseigné sur lui aussi. Sa femme est morte d'un cancer du sein l'année dernière et il s'en est toujours voulu de ne pas avoir été assez présent pour elle. Je sais que je ne joue pas à la loyal et que je vais certainement raviver en lui de mauvais souvenirs mais j'ai besoin de signer ce contrat avec lui. La concurrence est dure mais je veux lui prouver qu'il peut compter sur moi pour la réalisation de son projet.

Je peux être un requin si je le veux.

Je ne voulais pas divulguer cette information, mais je n'ai pas le choix :

— Sa femme a un cancer, j'affirme sans préambule comme pour lui asséner le coup de grâce.

Changement radical de l'expression de son visage. Ses yeux s'agrandissent et je sais qu'il repense à sa femme. Je me traite intérieurement de gros connard mais il m'a quelque peu forcé à lui dire. Il se lève de son fauteuil pour aller se poster devant la fenêtre, les épaules baissées. Il reste un long moment à réfléchir puis il se retourne brusquement :

— Ok Drumont ! Vous avez réussit à me convaincre. Je vous laisse préparer toutes la paperasse nécessaire et on se revoit bientôt.

Il s'avance vers moi d'un pas assuré, le visage vide de toute expression et me serre la main fermement. Il jette un rapide coup d'œil appréciateur à mon assistante puis quitte le bureau. J'expire tout l'air de mes poumons, un grand sourire sur les lèvres.Vanessa s'empresse de me sauter dans les bras, écrasant au passage sa poitrine contre mon torse.

— Tu as réussis Alex.

Il y a à peine deux jours, je l'aurais bien baisé pour faire redescendre la pression mais aujourd'hui, tout est différent. Je la repousse gentiment en esquissant un léger sourire.

la mémoire ensevelie Où les histoires vivent. Découvrez maintenant