Chapitre 21

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Savannah

J'ai perdu la notion du temps. Je crois que cela fait deux jours que je suis dans cette chambre sans pouvoir y sortir. Thérésa m'apporte, de temps en temps, un plateau repas mais je suis incapable d'avaler quoi que se soit. J'ai passé chaque recoin de cette chambre au peigne fin. J'ai regardé les photos de nous, posées sur les étagères. J'ai niché mon nez dans ses vêtements avec le sentiment profond de reconnaître son odeur. J'ai dormi dans son lit, entourée de tous les ours en peluche. J'ai lu tous les livres de la bibliothèque. J'ai fouillé le coffre à jouets. J'ai pleuré et je pleure encore, le cœur meurtrît. Pourquoi Alex m'a-t-il caché ça ?

J'étais en droit de savoir.

Le troisième jour, tout me paraît si familier. Avec lassitude, je sors de cette chambre.

J'ai besoin de prendre un bain.

Je fais couler l'eau dans la baignoire et j'y plonge mon corps endolori par ces deux derniers jours, recroquevillé au quatre coins de la pièce. Je ferme les yeux, soudain si lasse, et je laisse l'eau chaude faire son effet sur mon pauvre corps. Enveloppée dans un peignoir de bain, je m'allonge sur le lit, épuisée, et le sommeil me rattrape sans effort. Ma nuit est peuplée de cauchemars en tout genre.

Rien qui ne puisse me réconforter.

Tout à coup, une lueur apparaît dans ma tête, le trou béant dans mon cerveau se remplit lentement, laissant tout un tas de souvenirs l'envahir. Je me redresse, le front en sueur et la tête pleine d'images. La première, qui se dessine sous mes yeux, est celle de mon père, cet homme à la barbe brune qui a toujours été là pour moi, me rassurant à ma première rentrée des classes, me relevant alors que je venais de chuter à vélo. Je souris tristement, mes larmes coulant sur mes joues. Le visage de ma mère apparaît alors. Un visage d'ange, des yeux noisettes identiques aux miens. Elle a été ma mère, ma confidente, ma meilleure amie. Elle savait tout de moi. Mon cœur se remplit brusquement de tout leur amour. Je pose ma main sur ma bouche, étouffant les lourds sanglots qui me nouent la gorge.

Ils ont été des parents formidables.

Des images d'Alex envahissent ma tête, me remplissant de joie. Je me revois renversant mon gobelet de café sur sa chemise. J'étais si honteuse et lui, si vert de rage. Je revois ses yeux se poser sur moi et sa colère se transformer en admiration.

Notre rencontre, l'un des plus beaux jours de ma vie.

Des souvenirs plus intimes traversent mon esprit. Notre premier baiser, échangé dans la ruelle, près du restaurant où il m'avait invité. Nos corps nus, enlacés dans les draps froissés, éreintés par notre nuit. Je le revois, un genou à terre, me faisant sa demande, un écrin entre les mains. Je me rappelle du jour de notre mariage, mon excitation et la joie que je ressentais de devenir sa femme. Je me revois dans l'église, remontant l'allée au bras de mon père, le sourire aux lèvres. Je me souviens de la bouche d'Alex dessinant un large sourire et de ses yeux remplit d'amour alors que je me postais face à lui, devant l'autel. Je nous revois, dansant l'un contre l'autre sur notre chanson, seuls au monde, perdus dans le regard de l'autre. Je me rappelle du sourire d'Alex quand je lui ai offert une petite boîte contenant une paire de chaussons en laine, de ses yeux débordant de joie alors qu'il me faisait tournoyer dans les airs. Je me revois, le ventre énorme mais si heureuse de porter son enfant.Je peux ressentir la première contraction annonçant l'arrivée de notre fils.

Alex était si paniqué quand j'ai perdu les eaux.

Je le vois à côté de moi dans la salle d'accouchement, déposant un baiser sur mon front tout en me murmurant des mots d'encouragements alors que je poussais de toutes mes forces pour mettre notre enfant au monde. Je ressens la chaleur de ce petit corps que l'on pose sur ma poitrine. Je me souviens de la fierté d'Alex quand il a prit son fils pour la première fois dans ses bras. Je revois mes parents, présents près de moi, dans cette chambre de la maternité remplie de roses blanches. Je souris en revoyant notre fils faire ses premiers pas. Je me souviens de la moue d'Alex quand son premier mot a été "maman". Je me rappelle de son rire quand il jouait au ballon avec son fils.

la mémoire ensevelie Où les histoires vivent. Découvrez maintenant