Chapitre XII

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- EARINE ! Hurla Nessimelle dans un sanglot.

Ce fut seulement en entendant la voix de ma sœur que je me rendis compte que je hurlais de toutes mes forces. Je me tus, comprenant que c'était inutile, et tentait de me précipiter vers les flammes dont ma sœur n'était toujours pas sortie, mais ma route fut rapidement barrée.

Un Warg se dressa devant moi, m'empêchant d'avancer, ayant visiblement senti ma présence à mon odeur. Prise d'une rage dont j'ignorais tout, je ramassais une dague qui gisait sur le sol, ignorant si c'était la mienne ou celle d'un de mes compagnons, et la plantais sauvagement dans le flanc de la créature.

Ce fut une sensation écœurante, la lame s'enfonçant dans la chair en brisant plusieurs os. La bête se mit à hurler de rage et me balaya d'un coup de pattes, me faisant tomber à terre. D'un bond, elle était au-dessus de moi, m'immobilisant. Mais mon esprit ne faisait que hurler le prénom de ma sœur, m'ordonnant de me libérer pour aller la secourir.

Je me repliai presque sur moi-même, bloquant mes deux pieds au creux de ses pattes, et poussai à toute force. Targen m'avait appris cela pour me défendre d'un humain, pas d'une bête, et j'étais assez stupide -ou désespérée- pour tenter le coup avec une bête monstrueuse. Malgré tout, cela fonctionna à moitié ; il ne se détacha pas de moi, trop lourd et trop fort, mais ses mâchoires claquèrent à seulement quelques centimètres de ma tête, puisqu'il était bloqué ainsi, incapable de s'avancer plus.

Et, brusquement, la lumière se fit bien plus intense, presque aveuglante. Le Warg releva la tête et parut effrayé par quelque chose que je ne pouvais voir. Avec des efforts dignes de contorsionniste, je tournais la tête dans la direction qu'il observait, et restait bouche bée.

Earine marchait calmement hors du feu. Ses coudes étaient appuyés contre sa taille, et au bout de ses mains tournées vers le ciel, des flammes jouaient entre ses doigts. Ses vêtements étaient couverts de suie, brûlés à certains endroits, mais cela ne semblait pas la déranger. Sa peau semblait rougeoyer, ses longs cheveux étaient déployés autour d'elle.

Avec un calme et une démarche féline, elle s'extirpa du feu et se tint debout, projetant une lumière rougeoyante dans toutes les directions.

- Surprise, abrutis, dit-elle.

Et elle lança son bras en avant, projetant une boule de feu comme on jette une balle sur le Warg qui me retenait au sol. Je sentis la chaleur passer en coup de vent au-dessus de ma tête et la créature me relâcha. Terrorisée, je me repliais sur moi-même en drapant ma cape au dessus de ma tête.

Le Warg poussa un hurlement de douleur, j'entendis un grésillement et sentit l'odeur de brûlé lorsque le feu entra en contact avec son pelage. Une seconde plus tard, il était parti.

Je relevais la tête, le cœur battant à tout rompre. Earine, éblouissante de beauté, tournait lentement la tête, regardant les créatures avec un calme effrayant. Elle leva une main et s'écria :

- À terre ! À terre, tous !

- Aggur, non ! Entendis-je, avant de voir Targen se jeter presque sur l'amant de ma sœur qui tentait de la rejoindre et le plaquer au sol, le tirant derrière un rocher.

Je tendis le cou pour voir Nessi, protégée par Tauriel qui la drapa dans sa cape. Je rabattis la mienne sur mon visage et me blottis dans le renfoncement du rocher une seconde avant l'attaque de ma sœur.

La chaleur traversa le tissu de ma cape, s'abattit sur mon visage, mon corps tout entier. J'aurais voulu hurler, un instant, je fus même persuadée que le corps de l'homme aux yeux d'or gisait mort à côté de moi. Les rugissements des bêtes sauvages me ramenaient au présent. Je les entendis s'échapper, fuir le feu et les brûlures. Au bout de quelques minutes, le silence se fit, les hurlements se firent lointain.

Je me redressai prudemment, écartant ma cape de mon visage. Ma sœur se tenait debout sur le plus haut rocher, des flammes jouant toujours autour d'elle. Le feu de camp s'était éteint. Elle jeta un regard autour d'elle, puis s'enfuit brusquement en courant, passant devant Nessimelle et Tauriel.

- Earine ! S'écria Aggur en s'élançant à sa suite.

Je fus debout sur mes jambes tremblantes d'un bond, courus dans la direction que venait de prendre ma sœur, saisissant la main de Nessi au passage.

Earine, au loin, avait la forme d'une petite flamme titubant entre les arbres. Par deux fois, je dus étouffer le début d'un petit incendie qu'elle avait accidentellement provoqué.

Enfin, nous débouchâmes sur l'étang dans lequel j'avais chuté plus tôt. Le corps inanimé de ma sœur flottait à la surface, ses flammes éteintes. Aggur s'élança dans l'eau, marchant à grands pas vers elle. Il la saisit par la taille, souleva sa tête, affolé. Elle semblait endormie, sans connaissance, ses cheveux flottant autour d'elle. Avec précipitation, il saisit son poignet gauche et posa son pouce sur la peau qui couvrait la veine reliée à son cœur.

Nessimelle et moi l'avions rejoint lorsqu'il la relâcha et nous déclara :

- Son cœur bat. Elle n'est qu'évanouie.

Je ne pus que hocher la tête en réponse, les joues baignées de larmes. Il saisit ma sœur et la porta hors de l'eau, la déposant sur la terre ferme. Nessi et moi le suivîmes en silence, ma sœur s'accrochant à ma main. Legolas, Tauriel et Targen nous avaient rejoints sans un mot, et nous entourâmes Earine avec un soulagement mêlé d'une certaine inquiétude.

Enfin, ma sœur entrouvrit les yeux, battit des paupières, et fronça les sourcils en poussant un grognement. Puis elle retira vivement sa main de celle d'Aggur, la repliant contre elle-même.

- Non ! Je vais te brûler !

- Tout va bien, la rassura-t-il, posant une main sur son épaule. Tu ne brûles personne.

- Je peux ? Intervins-je, essuyant mes larmes du dos de ma main.

Ma sœur acquiesça, sa tête appuyée sur l'épaule de son amant. Je pris prudemment son autre main dans la mienne, examinait attentivement ses doigts. Ils étaient aussi fins et légèrement abîmés par le travail qu'avant. Pas de traces de brûlures, pas même la moindre petite rougeur.

- Eh bien, murmurai-je. Tu nous as fait un sacré spectacle.

Une étincelle malicieuse dansa dans les yeux de ma sœur, elle me servit ce fameux sourire espiègle face auquel je n'avais aucune volonté.

- C'était le feu, commenta-t-elle avec humour.

Et Nessi, bon public, éclata de rire.

Trois paires d'yeux... bleues -Le royaume du NordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant