Chapitre XIV

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Il faisait nuit lorsque je parvins enfin à parler seule avec Targen, une journée entière plus tard. En vérité, l'aube n'était pas loin, mais l'obscurité était encore bien présente lorsque je me réveillais.

Je me redressai aussitôt assise, les formes de mes sœurs allongées paisiblement à mes côtés. Tauriel montait la garde, debout dans l'obscurité. Encore une fois, j'étais sidérée par les capacités des Elfes de la Forêt Noire. Ils étaient invisibles, silencieux, indétectables.

Je me relevais avec peine, observant autour de moi. Nos compagnons paraissaient endormis, ou tout du moins ne semblaient pas s'apercevoir de ma présence. Tauriel se tourna vers moi alors que je me dirigeai dans sa direction.

J'étais nerveuse, certes, mais je n'avais rien à craindre d'elle. Elle ne divulgerait rien aux autres si je le lui demandais.

- Où est Targen ? Demandai-je.

Elle me désigna une direction dans les bois, et je devinai qu'il n'était sans doute pas loin.

- Je dois lui parler, dis-je. C'est important.

- Vous ne voulez pas que j'en informe vos sœurs ? Chuchota-t-elle.

- Non. Elles se feraient des idées, dis-je en levant les yeux au ciel.

Elle laissa échapper un léger bruit, à mi chemin entre le gloussement et le pouffement, et ses yeux brillèrent avec espièglerie.

- Et si je m'en faisais aussi ? Dit-elle.

- Vous auriez tort, répliqua-je, mal à l'aise et un peu effrayée. Je ne sais même pas comment me faire des amis...

Elle sourit, semblant m'assurer qu'elle avait compris. Avec un "merci" chuchoté, je pris la direction qu'elle m'avait indiquée, passant devant mes sœurs endormies.

Je m'enfonçai dans la forêt, écartant délicatement les branches sur mon passage pour éviter de faire trop de bruits. Cela me prenait plus de temps, mais Targen n'était pas loin.

Je finis par arriver au bord d'une sorte de petite vallée. Un immense rocher lisse et arrondi la surplombant, juste devant moi. Targen était assis au bord de celui-ci.

Je m'avançais en silence et m'assis à côté de lui. Heureusement, la pente n'était pas si raide que ça, et la terre n'était donc pas loin sous le rocher. Je ne risquais pas de me tuer en tombant. Ce fut un soulagement.

Aucun de nous n'avions prononcé un mot, alors je me lançais.

- Vous pourriez venir avec nous, vous savez. Nessi ronfle, mais pas si fort que ça.

Sans même qu'il ne se tourne vers moi, je vis un sourire se dessiner sur ses lèvres.

- Vous savez que je ne peux pas, Laurelin.

Mon prénom prenait des accents orientaux dans sa voix, et c'en était étrange. Oui, tout le monde avait décidément une façon différente de le prononcer.

- Pourquoi pas ?

Il poussa un soupir, tourna ses yeux noirs vers moi. Je me fis une nouvelle fois la reflection que la pâleur de ma peau jurait énormément avec la sienne, colorée par le soleil des terres du Sud.

- Et si je perdais le contrôle ?

- Je vous-

- Retrouverais, je sais, m'interrompit-il. Mais rien ne prouve que je n'aurais pas déjà eu le temps de tuer quelqu'un. Une de vos sœurs. Vous, peut-être.

J'avouais que cela me rassurait parfois de le savoir loin de mes sœurs endormies, qui n'étaient plus alertes et capables de se défendre. Surtout quand j'avais vu ce dont il était capable. Mais néanmoins...

Trois paires d'yeux... bleues -Le royaume du NordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant