Chapitre XVI

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Les arbres.

Le ciel était sombre, de cette couleur à mi chemin entre le bleu et le gris, la nuit tombait. Le vent sec soufflait dans nos cheveux et nos vêtements.

Les arbres.

- Je les reconnais, murmurai-je, la gorge nouée.

Les battements de mon cœur s'accélérèrent. Je reconnaissais cet endroit ! Je reconnaissais un endroit sur cette vaste terre !

- Je les reconnais, répétai-je.

Les immenses pins s'élançaient dans les airs au dessus de moi, et, le temps d'un instant, je m'attendis presque à voir surgir mon père, sortant de sa cachette après une partie de cache-cache qu'il aurait gagné.

Mes sœurs s'avancèrent à mes côtés.

- Tu es sûre ? Demanda Earine en reniflant l'air, levant les yeux vers la cime des arbres.

- Oui, soufflai-je, stupéfaite.

- Je ne m'en souviens pas. J'ai un vague souvenir, mais rien de plus, déclara ma sœur, déçue.

- Nous sommes presque arrivés, ajouta le prince Legolas.

Nous sommes presque arrivés, me répétai-je. Un sourire, un vrai, un qui me faisait mal au joue, s'étendit sur mon visage. Je me retournai pour regarder nos compagnons, qui parurent surpris de voir mon expression. Tauriel me le rendit sans hésitation.

Je m'avançai alors, silencieuse, continuant ma route. Nessi glissa sa petite main dans la mienne, des fleurs toujours dans ses cheveux. Nous marchâmes sans un mot, escaladant une colline battue par le vent. Le ciel se faisait de plus en plus sombre. Les cigales chantaient.

Et elle apparut. Brusquement, elle se dressa devant nous, au loin, derrière la forêt, nichée entre les montagnes. Erith. La Citée des Lumières. Ma citée. Celle qui m'avait vue naître, qui avait vue les naissances de mes sœurs, qui avait contemplé le règne de mes parents, qui avait observé, silencieuse, le déchirement du royaume et l'assassinat de ma famille. Et qui, à présent, semblait m'appeler, me souhaiter la bienvenue à la maison.

Elle se dressait là, dans le noir, ses lumières allumées comme pour appeler au secours, demander à l'héritier du trône de reprendre ce qui lui avait été volé.

Mon père aimait cette citée plus que tout au monde.

Les larmes coulèrent sur mes joues. Ma citée ! Je la voyais, la revoyais, je la connaissais par cœur ! Mon souffle et celui de mes sœurs étaient coupés.

J'étais rentrée à la maison.

J'échangeai un regard avec mes sœurs. Les yeux d'Earine brûlaient de larmes, ceux de Nessi semblaient si grand qu'on aurait pu s'y noyer. Elles se tournèrent vers moi, et la citée me sembla alors bien pâle à côté d'elles. Je souris.

Nessi en fit autant, les lèvres d'Earine s'étirèrent dans ce sourire malicieux auquel je ne pouvais résister.

Et nous nous élançâmes en courant. Nos compagnons s'élancèrent à leur tour, courant derrière nous.

Je dévalai la colline, mes jambes battant si vite que j'eus peur qu'elle se détachent de moi. Earine glissait littéralement sur l'herbe. Nous nous précipitâmes sous les arbres, entre le ciel et la terre, suspendus dans un moment de pur espoir. Mon sourire ne voulait pas disparaître.

J'étais rentrée à la maison !

Mon cœur battait si vite dans ma poitrine qu'il aurait dû s'arracher à moi. Nous courûmes, encore et encore, slalomant entre les arbres, dansant dans les buissons. Je continuai à pleurer et à rire en même temps.

Durant cet instant, je vis mes compagnons comme mes amis. Ils étaient là, ils me ramenaient à la maison, ils couraient avec moi.

J'ai souri encore plus largement.

Avant que des ombres ne surgissent des ténèbres et ne fondent sur nous.

Étrangement, je n'eus tout d'abord pas peur. Ma seule pensée fut "Ah non !". Je fus en colère, en colère qu'on me gâche mon retour à la maison. L'instant d'après, Nessi poussait un cri, et la panique m'envahit.

Une ombre se jeta sur moi, me fit rouler sur le sol. C'était un homme, je le savais. Je me débattis, usai de ce que j'avais appris en lui frappant le cou et parvins à m'échapper. Un quart de seconde. Il m'applatit de nouveau au sol.

- Vous pensiez vraiment pouvoir transmettre vos autorisations de massacre à l'Intendant ? Gronda-t-il à quelques centimètres de mon visage.

- Quoi ?! Braillai-je, stupéfaite.

- Quoi ? Répéta-t-il, semblant pris d'un doute.

Il n'eut pas le temps d'en ajouter plus. D'un coup, il fut arraché à moi, et, lorsque je me relevai, Targen le clouait à un arbre, une dague contre son cou.

- Targen ! Stop ! Hurlai-je en relevant.

D'autres hommes nous encerclaient, leurs armes pointées sur nous, n'osant visiblement pas faite un pas de peur de voir leur compagnon égorgé. Legolas et Tauriel, arc et dagues en mains, entouraient Nessi qui semblait effrayée, Earine et Aggur, dos à dos, semblaient prêts à attaquer tout le monde et n'importe qui.

- Allez-y, dit alors l'homme qui m'avait attaqué, levant le menton. Je savais que cela arriverait un jour. Je mourrais pour la bonne cause.

- Pour l'amour des Valars, nous n'allons pas vous tuer ! M'écriai-je.

- Ah non ? S'étonna Targen.

- Non ! M'exclamai-je, excédée. C'est un énorme malentendu ! Nous n'avons pas de... De message ou d'autorisation quelconque !

J'ignorais ce qu'il se passait. Je savais bien que rentrer dans la ville ne serait pas si facile. Je savais que ceux qui siegaient sur le trône opposeraient une résistance, mais j'ignorais ce que ces hommes là avaient en tête. À ce qu'avait dit mon attaquant, ils n'étaient pas alliés avec l'Intendant, qui m'avait volé mon royaume.

- Laisse tomber, Laurelin, s'exclama Earine plus loin. Rien de tout ça n'a de sens !

- Attendez, vous... Vous êtes Laurelin ? Demanda l'homme que Targen menaçait toujours, tendant le cou pour m'observer. La princesse disparue ?

J'hésitais. S'ils étaient avec l'Intendant, ils auraient tôt fait de lui rapporter mon retour. Et les choses se compliqueraient. Néanmoins, je suivis mon instinct.

- Oui. C'est moi, dis-je en redressant le menton.

Il y eu des exclamations de surprise, des chuchotis. Legolas et Tauriel échangèrent un regard confus. Nos attaquants semblaient hésiter également, mais finalment, ils baissèrent lentement leurs armes. Aggur quitta sa position de défense, incitant Earine à en faire de même.

- Lâchez-le, dis-je à Targen, et il s'executa.

L'homme rajusta son col, et j'entrevis son visage dans un rayon de lune. Il était plus jeune que je ne le pensais.

- Nous vous attendions depuis si longtemps ! Dit-il. Je suis Rávo. Je connais votre cousine, Nolwe.

Et, alors que je le regardais, ne pouvant en croire mes oreilles, au bord des larmes, le sol mot qui sortit de ma bouche fut un tonitruant :

- Quoi ?!

Trois paires d'yeux... bleues -Le royaume du NordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant