Chapitre VIII

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Je n'aime pas mettre des notes en début de chapitre, pour tout vous dire. Mais je tenais à vous remercier infiniment pour tout vos messages de soutien, vos compliments, rien que les petits réflexions que vous me partagez. Pour être honnête, parler à des gens me stresse énormément, me fait presque peur, même par l'intermédiaire de commentaires sur mon histoire. Alors je suis désolée si je vous paraît bizarre, j'essaie de travailler là-dessus, même si ce n'est pas toujours facile. Mais, même si je ne réponds pas à un de vos messages, sachez que je l'ai vu et que c'est sans doute la raison pour laquelle je ne suis pas encore enterrée au fond du Trou du Désespoir. Chacun de vos mots est une merveilleuse étoile pour moi, vous n'avez même pas idée. Alors merci du fond du cœur.

Contrairement à ce que j'avais attendu, l'eau n'était pas si froide que ça. Elle était même plutôt douce.

Le silence se fit autour de moi, un vrai silence, doux, reposant. Il me semblait que mon corps était devenu à la fois terriblement lourd et léger, si léger qu'on aurait dit que j'aurais pu m'envoler. Mes vêtements flottaient autour de moi, mes cheveux entouraient ma tête.

Je ne me débattis pas. Je n'en ressentais pas le besoin.

J'étais dans un cocon doux et frais, dans le silence, loin de la douleur ou des sentiments. Personne ne pouvait me voir, personne ne pouvait me déranger dans le soudain silence qui avait empli mes oreilles. Mon esprit s'était enfin tu. J'étais bien.

L'eau était plus profonde que je ne le pensais, il sembla passer une éternité avant que je ne sente le sol vaseux derrière moi. Je me laissai heurter le sable, accueillant avec reconnaissance le fond de l'eau.

C'était bien. Tout était silencieux, et doux, et sombre, et des rayons de lumière venaient percer de temps à autres les ténèbres opaques de l'eau, sans me brûler la peau.

Je tournai la tête, détaillant l'endroit où j'étais. Des herbes marines flottaient autour de moi. Et, entre deux brins, je vis apparaître un charmant visage aux yeux verts.

Calie.

- Hey.

Je ne répondis pas. Qu'aurais-je pu dire ? Calie regarda autour d'elle, levant une main dans les rayons de lumière.

- Où sommes-nous ? Qu'est-ce que c'est que cet endroit ?

Elle ne le connaissait pas. Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose.

- Ce n'est pas l'endroit où je meurs.

Je n'avais pas besoin de parler pour qu'elle entende mes mots, les penser suffisait. Elle baissa sa main, secoua la tête.

- Non. Ce n'est pas ici que tu meurs.

J'aurai voulu pousser un soupir, mais je n'avais plus de souffle.

- Mais ça risque de devenir compliqué, dit-elle.

Comme je la regardai sans comprendre, elle désigna mon corps du menton. Des chaînes encerclaient mes poignets et mes chevilles. Je tirai dessus, elles étaient légères dans l'eau, mais rattachées par des poids invisibles.

- Tu dois te libérer.

- Pourquoi ?

Elle leva les yeux au ciel.

- Pourquoi pas ?

- C'est mieux comme ça. C'est plutôt doux, comme mort, dis-je, avisant l'espace dans lequel j'étais.

- Oui. Mais c'est idiot. Tu as survécu à un maléfice magique, un assassinat, une toundra enneigée, la cruauté des Hommes, la soif de Pouvoir des Elfes... Et tu meurs noyée dans une rivière. C'est une mort inutile et pathétique.

Elle avait raison, et j'hésitai à présent.

- De toute manière, Targen va décider pour nous.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

Avec un sourire, elle pointa la surface du doigt, qui venait d'être crevée par un plongeur.

Targen nageait en effet vers moi, je dus plisser les yeux pour le voir. J'arrachai mes chaînes, qui n'étaient que des plantes accrochées à mes membres. Avec les dernières pauvres forces qui me restaient, je tapai du pied sur le sol pour me propulser vers le haut, battant des jambes et tendant les bras vers lui.

Mon cœur battit à tout rompre dans ma poitrine, l'air me manquant cruellement. Mes poumons criaient à l'aide. Des points noirs obscurcirent ma vision, je cessai de battre des pieds et des bras de peur de me tromper de direction. Deux mains me saisirent par les avant-bras et me tirèrent en avant, vers le haut. Ne voyant plus rien, je tentai de me calmer et me laissai faire.

Ma tête creva la surface et je jaillis à l'air libre, l'air frappant mes joues avec violence. Malgré tout, je ne parvenais toujours pas à respirer.

Des mains, des bras me saisirent et me tirèrent à l'extérieur. J'eus beau me débattre, rien n'y fit. Je fus déposée sur la terre ferme qui me parut étrangement douce et dure. On s'agitait autour de moi, j'entendais des cris indistincts, mais rien ne m'importait.

Je me contentai de cracher des litres d'eau, m'appuyant sur mes bras tremblant. L'air qui passa dans mes poumons me parut brûlant, m'étouffa. Je me laissai retomber sur le dos, respirant à grandes goulées cet air tranchant.

Les visages de mes sœurs apparurent devant moi, inquiets.

- Laurelin ! Ça va ?!

- Laurelin ! Comment tu te sens ?! Laurelin !

Je tentai de produire un son, échouai lamentablement et laissai échapper un gargouillis atroce. Je toussai, recommençai. Mes sœurs s'étaient mises en mouvements, me couvrant de couches de couvertures et de capes avec frénésie.

- Ça va ? Est-ce que ça va ?

Désorientée, incapable de leur répondre, je tournai la tête, cherchant à me repérer. Le soleil joua entre les arbres pour venir me tomber dans les yeux, me faisant grogner. Mes sœurs s'écartèrent lorsque je me redressai sur les coudes, soulevant péniblement mon buste. Je clignai des paupières, mes yeux me piquant, toussant et m'étranglant en tentant de respirer. Le visage inquiet du prince Legolas passa en flash devant mes yeux, mais il ne m'intéressait pas.

À quelques pas, Targen était assis sur le sol, tout aussi trempé que moi, clignant des yeux comme s'il revenait d'un long et étrange rêve. D'ailleurs, je me demandais si ce n'était pas le cas.

Il croisa mon regard, et un semblant de sourire taquin se dessina sur son visage.

- À charge de revanche, dit-il.

Je me laissai retomber étendue sur le sol en prenant une profonde inspiration brûlante.

Trois paires d'yeux... bleues -Le royaume du NordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant