Chapitre XXII

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Pitite note avant le chapitre : JE DÉTESTE CE CHAPITRE !!!

Le ciel était noir, aussi noir que les pupilles de mes sœurs à cet instant. Nous marchions. Sans un mot, nous marchions. Le visage découvert et le vent soufflant autour de nous, nous marchions dans la citée, ma citée.

- Peut-être devrions chanter ? Proposa alors Nessi.

Personne ne lui répondit. Nous ignorions quoi lui dire. Je pris une profonde inspiration, le ventre noué, et commençai, ma voix résonnant dans les rues vides et silencieuses :

- Au nom de mon cœur,

Je marcherais,

Pour ceux qui m'ont précédée,

Je marcherais.

Au nom de mon cœur,

Je marcherais,

Pour l'espoir du monde,

Je me lèverais...

Ma voix se porta dans le vent, je savais qu'on m'avait entendue. Et personne n'était là. Après avoir échangé un regard avec elles, moi et mes sœurs reprîmes :

- Et l'homme lèvera les yeux vers ciel

Oh, quel long hiver qui s'annonce,

Le silence est si bruyant

Et la clarté du soleil s'est envolé

Et la femme respirera dans le vent,

Oh, comme les temps semblent durs,

Le silence est si bruyant

Et le chant des arbres s'est tu

Et je dis...

Nos pas résonnaient dans les rues, et bientôt, j'entendis un bruit confus. Je ne m'en occupais pas, reprenant plus fort, la voix d'Earine montant une hauteur au dessus des nôtres pour créer une harmonie.

- Au nom de mon cœur,

Je marcherais,

Pour ceux qui m'ont précédée,

Je marcherais.

Au nom de mon cœur,

Je marcherais,

Pour l'espoir du monde,

Je me lèverais...

Il me sembla qu'une rumeur, à peine plus forte qu'un murmure, se joignait à nous. J'échangeais un regard avec mes sœurs.

- Et la fillette lèvera la tête

Oh, comme ses larmes semblent amères,

Le silence est si bruyant

Et ses parents sont partis comme souffle le vent

Des gens. Des voix, des pas. Qui sortaient de partout, des maisons, des rues. Ils se joignaient à nous, parlaient avec nous, chantaient avec nous, frémissant de colère et d'espoir. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine alors que le rythme de nos pas se mêlaient à notre chanson. Je laissai le vent soulever mes cheveux en me remettant à chanter à pleine voix.

- Et l'enfant ouvrira les yeux,

Oh, comme sa vie semble loin

Le silence est si bruyant

Et le froid s'est installé il y a longtemps déjà.

Le silence se fit, mais ma voix résonna partout dans la ville. Les larmes coulaient sur mes joues, les mains de mes sœurs dans les miennes.

- Il n'y a pas de salvation  pour les âmes perdues

Il n'y a pas de remèdes pour ceux qui ont perdu la vue

Et pourtant, je rêve d'une maison où me réfugier,

Et pourtant, j'espère toujours qu'on vienne me chercher.

Les voix de mes sœurs se joignirent à la mienne alors que nous continuions de marcher, notre peuple derrière nous, le rythme de nos pas et de notre chanson se calquant sur celui de nos cœurs.

- Et j'ai traversé tant de douleur,

J'ai vu tant de malheurs,

Que je n'ai plus la force de me relever

Mais rien ne pourra m'empêcher de chanter :

Nous nous dirigeâmes dans la plus vaste rue de la ville, marchant vers le château. Je voyais les gens sortir des maisons, courir pour rejoindre notre cortège. Je vis une femme refermer sa porte au nez de ses enfants après les avoir embrassés, pour rejoindre la foule, libérant ses cheveux et chantant à plein poumons. Je vis un jeune homme, à peine sorti de l'enfance, saisir une épée qui avait du appartenir à ses parents, et marcher droit dans la foule, et chanter avec nous.

Père, mère, fils, fille, amis, famille, âmes esseulées, chacun se jetait dans nos pas pour venir reprendre la liberté qu'on leur avait volée.

Et soudain, je le sus. Ada et Nana étaient fiers de nous, si fiers.

- Au nom de mon cœur,

Je marcherais,

Pour ceux qui m'ont précédée,

Je marcherais.

Au nom de mon cœur,

Je marcherais,

Pour l'espoir du monde,

Je me lèverai !

Nous étions arrivés devant les immenses portes du château. Elles étaient soigneusement gardées par des rangées de gardes armés jusqu'aux dents, mais nous n'avions pas peur.

Moi, mes sœurs à mes côtés, mon peuple derrière moi, nous marchâmes droit vers les portes, et nous arrêtâmes à quelques mètres.

Ma peau trop blanche faisait tâche dans cette marée humaine.

Nous ne détournâmes pas le regard, ne fîmes pas un geste, pas un pas de plus. Nous nous contentâmes d'observer ces hommes qui nous avaient trahis. Qui avaient rejoint les rangs du mal pour éviter les Enfers. Nous n'avions pas peur d'eux. Nous étions plus forts.

Je voyais les gardes hésiter, leurs regards passer d'un visage à un autre. Le vent soufflait doucement.

Et je savais ce qu'ils voyaient. Une marée de visage à la violente dureté, les yeux brûlants d'espoir et de colère, menée par trois visages disparus. Trois visages invisibles. Celui de l'enfance, aux tâches de rousseur et longs cils noirs, innocent. Celui de la beauté, aux traits délicats et glacials, brûlant. Et le mien. Trop pâle, blanchi par les horreurs que j'avais vécues, lunaire. Mais sur ce visage dansait l'ombre d'une autre, cachée au plus profond de mes rêves. Calie.

Et sur ces visages dansaient trois paires d'yeux. Bleues.

Je pris une profonde inspiration, puis fis un pas en avant, lâchant les mains de mes sœurs. Un coup de tonnerre déchira le silence.

Et le capitaine des gardes tomba à genoux devant moi. Il ne prononça pas un mot, mais ses hommes le suivirent bien vite, déposant leurs armes sur le sol.

Je restai un long moment immobile, les regardant simplement. Personne ne prononçait un mot.

Puis je tendis la main vers mes sœurs et nous avançâmes, les gardes s'écartant sur notre passage.

Trois paires d'yeux... bleues -Le royaume du NordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant