Chapitre XXI

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Nolwe possédait une petite chambre sous les toits de la maison dans laquelle elle et Rávo s'étaient réfugiés. Étant donné son rang, elle l'avait pour elle seule. Mais ce fut avec surprise et amusement que nous découvrimes qu'elle dormait en fait dans un hamac. Elle préférait ça. Et je la comprenais un peu.

Nous avions envahi la petite pièce, toutes les quatre. Nous formions un joyeux cortège rieur et bruyant. Nolwe possédait un vieux coffre de bois dans lequel s'empilaient ses vêtements. Elle en avait tout de même un certain nombre.

- Vous devez nous raconter comment se sont passés vos discours, dis-je en me perchant sur une des épaisses poutres.

Nolwe se laissa tomber dans son hamac et Nessi attrapa un des pans de tissu pour la balancer. Earine s'assit sur le sol.

- Ça s'est bien passé, j'imagine, raconta ma cadette. J'ai fait ce que tu m'as dit. Parlé de nous, d'Ada et Nana et de notre ancien règne.

- Je me suis montrée aussi, ajouta Nolwe. C'était dur, mais ça a eu l'air de les surprendre.

- Tu m'étonnes, ris-je. "Je suis rEvEnUe à lA vIe !", braillai-je d'un ton machiavélique, imitant le personnage d'une histoire.

Mes sœurs éclatèrent de rire, Nolwe se redressa tant bien que mal pour pointer un doigt vers Earine.

- Elle a fait apparaître du feu.

- À peine deux étincelles ! Protesta ma sœur.

- Tu as réussi ? Toute seule ? Demandai-je.

Elle haussa les épaules.

- Plus ou moins. J'ai réussi à produire une minuscule petite flamme, mais ça a été suffisant. Ça a fait son effet. Je pense que ça a marché pour moi.

- Pour moi aussi, déclara Nessi. C'était dur, et je ne savais pas trop quoi dire, mais j'ai fait de mon mieux. Legolas m'a aidé.

- Ah oui ? Insista Nolwe en levant suggestivement les sourcils.

Je flanquais un demi coup de pied dans le hamac en répliquant avec un sous-entendu évident, haussant les sourcils pour appuyer mon propos :

- Et Ravó, ma chère cousine ?

Nous éclatâmes de rire.

- Bon, c'est pas tout, mais si vous voulez vraiment allez vous battre, vous allez avoir besoin de mieux que ça, déclara Nessi en jetant un coup d'œil à nos vêtements de voyage.

- Pourquoi ? Demandai-je sans comprendre.

- Parce que vos vêtements ne vous protègent pas du tout contre les armes et que vous devez faire bonne impression, voilà pourquoi ! Vous ressemblez un peu à des paysannes.

Je jetais un regard à ma large chemise sans comprendre. Elle était très bien, cette chemise. On ne voyait pas ce qu'il y avait en dessous et qui m'encombrait.

Ma cousine poussa un soupir et sauta hors de son hamac, Nessi en profitant pour prendre sa place. Elle se dirigea vers son vieux coffre et l'ouvrit, poussant le couvercle en l'air, puis se mit à farfouiller dedans. Earine la rejoint aussitôt. Je levais les yeux au ciel.

- Laurelin, prends ça, dit ma sœur en me lançant un vêtement que je rattrapais de justesse.

Je le tendis à bout de bras, l'observai avec curiosité. J'avais du mal à comprendre ce que c'était. Cela ressemblait à une veste aux larges manches courtes, se fermant sur le côté avec deux attaches de fil doré. Le col remontait, le décolleté était carré, et tout les bords étaient bordés de fil d'or. Ce n'était pas un riche vêtement, mais c'était déjà mieux que ceux que je portais.

- Qu'est-ce que c'est que ça ? Demandai-je avec suspicion.

Nolwe y jeta un regard avant de déclarer :

- Je crois que ça appartenait à une de nos cousines. On me l'a ramené après que je me sois échappée.

- Et qu'est-ce que j'en fais ? Un torchon pour essuyer les vitres ?

- Arrêtes, Laurelin, me réprimanda Nessi qui avait déposé sur ses cheveux une couronne de fleurs séchées.

- Tu le mets, idiote, répliqua Earine, si penchée en avant dans le coffre qu'elle menaçait de tomber dedans.

- Non, merci, protestai-je calmement.

Mauvaise foi de ma part, j'avais envie de porter cette veste, mais cela ne me ressemblait pas.

- Pourquoi devrais-je me changer ?

Nolwe poussa un soupir puis se tourna vers moi.

- Parce que tu es une princesse, et que tu vas mener une révolution. Le peuple ne suivra pas une souillon, mais la fille de l'ancien roi.

- Ce n'est pas un peu hypocrite, de se farder ainsi alors que ces pauvres gens n'ont rien ? Demandai-je en effleurant le fil doré du bout des doigts.

- Comme Nolwe l'a dit, nous sommes les visages de la nouvelle révolution, dit Earine en basculant définitivement à l'intérieur du coffre. Nous devons faire bonne impression. C'est ce soir que tout se joue, Laurelin.

En effet, réalisai-je. C'était ce soir que mon peuple m'évaluerait. Ce soir que je gagnerais leur confiance et mon autorité. L'anxiété monta en flèche.

Je respirai un bon coup pour l'apaiser, poussai un soupir. Je déboutonnais ma veste, la laissai tomber sur le sol, ne voulant pas descendre de mon perchoir. Je passai le nouveau vêtement, tirant sur les manches. J'avais moins chaud, et l'atmosphère me sembla moins lourde. Le col brodé me remonta dans la nuque, la veste était bien plus courte que je ne le pensais. En fait, elle s'arrêtait au milieu de mon ventre. Ma forme taille était découverte sous ma chemise noire, constatai-je avec une grimace, et on voyait bien trop de mes formes à mon goût. Sans compter que...

- Le décolleté est trop grand.

Cette fois-ci, je me reçus quelque chose à la figure, et manquai de tomber de mon perchoir.

- Tais-toi, Laurelin, arrêtes de te plaindre ! Brailla Nolwe. De nous quatre, tu es la seule qui peut en porter un. Alors arrêtes un peu.

Je serrai les dents à ses paroles. Elle n'avait pas tort. J'étais mal à l'aise avec mon corps, et je le détestai, mais elles n'avaient pas envie de m'entendre jouer les dramatiques et me plaindre. Je me tus, n'y pensai plus.

Elles avaient fait enfiler à Nessi un pantalon qui flottait autour de ses jambes, lui donnant un air irréel. Elle ne pouvait se battre en robe. Earine, bien sûr, était plus resplendissante que jamais, revêtant une beauté froide et meurtrière.

Il avait été décidé que Nolwe n'irait pas au "front", mais s'occuperait plutôt d'une partie du plan qui me déplaisait, en compagnie de Targen et Rávo. "Deux beaux gars pour toi toute seule", avait dit Earine en haussant suggestivement les sourcils, nous faisant éclater de rire.

J'avais tenté d'éloigner Nessi, mais elle avait résisté. Elle irait donc à nos côtés, quand bien même je ne le voulais pas.

Au dehors, le ciel était noir de nuage. L'air était humide et lourd. L'odeur de la pluie emplissait l'air. En sortant sur le pas de la porte de la maison que nous habitions, je croisai le prince Legolas.

Un souffle de vent fit voler mes cheveux.

J'observai le ciel si noir qu'il semblait peint à l'encre, et frissonnai d'excitation. Les Valars étaient avec moi, les orages étaient bien ce que je préférais le plus au monde. Et je n'éxagérais en rien, j'aimais ce temps plus que n'importe quoi sur cette terre.

- Un orage se prépare.

La ville frémissait d'espoir, d'excitation et de peur avec moi.

Trois paires d'yeux... bleues -Le royaume du NordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant