Chapitre XXIII

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Le hall, immense, s'ouvrait devant moi. Les colonnes de pierres sur lesquelles grimpaient du chèvrefeuille sculpté avec précision formaient une longue allée plongée dans l'obscurité. Les larges fenêtres étaient obstruées par des draps noirs. Je devinais que c'était le cas dans tout le château.

Un vague souvenir vint titiller ma mémoire. Je vis presque une petite fille aux cheveux bouclés traverser le hall en riant, poursuivis par son père, puis se cacher derrière un des piliers en gloussant.

- Laurelin.

La voix de Legolas me ramena à la réalité. Je me tournais vers lui, et il me désigna le bout du hall.

- D'autres arrivent.

Un grondement montait en effet des entrailles du château. Je me tournais vers mon peuple, dont les yeux brillaient de vengeance.

- Je dois atteindre l'Intendant, dis-je.

- Nous nous en assurerons, me répondit un homme.

Les guerriers et guerrières s'avancèrent, se placèrent de part et d'autres de nous. Je vis du coin de l'œil Aggur échanger un regard avec Earine.

Des pas montaient, se précipitaient vers nous. Nessi tira sa dague, mais Legolas était placé devant elle, si bien qu'elle n'aurait sûrement pas à s'en servir. Earine se pencha légèrement, comme prête à s'élancer, et déclara calmement :

- Très bien, les garçons, c'est le moment de mériter votre salaire.

Je faillis éclater de rire.

Au lieu de quoi, je plongeais dans les tréfonds de mon esprit, et me concentrais, à toutes forces. Je savais déjà ce que je devais faire. Je l'avais répété, étape après étape, l'avais appris par cœur. Je puisais dans mes émotions. Il me suffisait de revivre, revoir, retracer dans mon esprit ce que j'avais déjà vécu. Je repensais à l'instant où l'homme aux yeux noirs nous avaient retrouvés. À celui où j'avais affronté le roi Thranduil. Lorsque j'avais été chercher l'assassin de mes parents. Lorsque j'avais cru ma sœur morte.

Devant nous, les hommes de l'Intendant avaient surgi, courant vers nous. Mon peuple s'engagea aussitôt dans la bataille, passant devant nous, mais je ne réagis pas. Notre petit groupe ne bougea pas.

Je revivais mes émotions, avec une telle force que j'eus envie de m'enfuir en courant, de hurler. Un frisson me parcouru l'échine, mon cœur battait à tout rompre. Je ramassais ma peur, créais une boule d'émotions. Et la faisait éclater autour de moi.

- C'est bon, dis-je.

Nous nous élançâmes aussitôt. Chacun franchissant le périmètre que j'avais établi autour de nous était habité de terreur, d'une terreur si grande qu'ils en étaient paralysés sur place. Nous pouvions avancer, personne ne nous ralentissait.

Je vis du coin de l'œil se battre pour nous, mais avant tout pour les leurs. Pour vengeur ceux qui avaient souffert sous leurs épées, pour leurs enfants à grandir, pour l'avenir de ce royaume. Bien des rois sous-estimaient la force de l'espoir et de la rage, elle avait pourtant fait d'eux des combattants. Je la savais dévastatrice.

Nous traversâmes le hall, arrivâmes devant les immenses escaliers.

- De quel côté, déjà ? Demanda Nessi.

- Droit devant, répondit Aggur.

Nous courûmes dans cette direction, grimpâmes les marches quatre à quatre.

- À droite, indiqua Aggur.

Nous nous engageâmes dans une galerie dont les fenêtres étaient une nouvelle fois obstruées. Nous courûmes sans un mot, nos pas résonnant sur le sol. À gauche, puis à droite, de nouveaux escaliers à emprunter, un énième couloir à emprunter, et-

Je me heurtais à une personne.

- Aouch ! Entendis-je.

Je me rétractais aussitôt en plaquant mes mains sur mon front avec un grognement de douleur. Legolas, Tauriel et Aggur avaient tout les trois déjà sortis leurs armes, mais elles furent inutiles.

Nolwe se massait le front devant moi, suivie de Ravo et de Targen.

- Sérieusement, Finwë ? Grogna-t-elle.

- Ça vaut aussi pour toi, répliquai-je.

- Qu'est-ce que vous fichez là ? Demanda Earine. Vous n'étiez pas sensés nous rejoindre !

Il avait été en effet décidé qu'il meneraient une partie de la résistance à l'arrière du château, afin de pouvoir prendre les partisans de l'Intendant à revers. Et personne ne voulait que Ravo soit impliqué dans l'arrestation de ses parents.

- Changement de plan, déclara alors Targen. L'Intendant a eu vent de notre venue. Lui et sa femme ont changé de quartiers, vous vous rendez droit dans un piège.

- Comment vous le savez ? Demanda Nessimelle.

- Un serviteur a parlé, répondit Nolwe qui se massait toujours le front.

- Heureusement, je sais où ils se trouvent, ajouta Ravó. Je suis déjà allé dans ces appartements de "secours".

Je remerçiais les Valars qu'ils nous aient trouvés avant que nous nous soyons jetés dans la gueule du loup. Si nous échouions à cette mission, nous étions tous morts.

J'hésitais malgré tout. Je ne voulais pas qu'il assiste à l'arrestation de ses parents.

- Je suis le seul à les connaître, insista-t-il. Vous aurez besoin de moi pour vous y rendre.

- Ça me fait mal de l'admettre mais il n'a pas tort, intervint Nolwe.

Je poussais un soupir. Je n'aimais pas cela du tout, j'avais un très mauvais pressentiment.

- Bien, abdiquai-je. Amenez-nous là-bas.

Trois paires d'yeux... bleues -Le royaume du NordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant