Chapitre 18 : La Reine de Tokiwadai

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-Que suis-je pour toi, Onee-sama ?

En soi, la question ne déstabilise pas Mikoto. Elle y réfléchit depuis tellement longtemps, que la réponse s'impose naturellement en elle et elle l'accepte avec une sérénité qu'elle ne pensait pas avoir. Sérénité qui s'évapore immédiatement quand elle songe à comment le dire à Kuroko. Il y a un immense gouffre béant de différence qui lui semble infranchissable entre pensées des mots et les prononcer à haute voix devant la personne concernée.

Pour la première fois de sa vie, Mikoto ne sent aucun courage en elle. Elle a toujours affronté ses problèmes en chargeant tête baissée, posant les questions après les éclairs. Mais une fois de plus, son cœur est et sera toujours son pire ennemi.

Face au silence retentissant et le manque de contact visuel, la plus jeune devient de plus en plus anxieuse. C'est facile de se convaincre qu'on peut entendre une vérité blessante, de se préparer à l'accepter. C'est bien plus dur de réellement l'encaisser. Sentant le trouble de Mikoto, Kuroko s'écarte d'elle, arrachant sa main de son emprise, se repliant sur elle-même. Elle bredouille précipitamment, voulant quitter la pièce au plus vite :

-Oublie ce que j'ai dit, ce n'est pas important...

Elle se lève du lit, et comptait s'éloigner, mais vive, Mikoto lui saisit le poignet délicatement, l'arrêtant :

-Attends !

Elle parle tête basse, dissimulant ses yeux avec sa frange, bien qu'il soit impossible de rater ses joues rougis. Elle bredouille :

-Je voulais aussi te parler depuis un moment. J'aurais dû le faire bien plus tôt. Kuroko, ce qui s'est passé dans l'entrepôt....

Kuroko se fige à ces mots, le cœur au bord des lèvres, craignant le pire. Mikoto va enfin l'admettre. Elle se blâme de ne pas avoir agi assez rapidement depuis son réveil, a besoin de savoir ce que son amie pense d'elle. D'une toute petite voix brisée, les dents serrés, elle ose enfin l'interroger :

-Me détestes-tu ?

Mikoto, qui cherchait ses mots, s'arrête net et ouvre de grands yeux, décontenancée. Comment ça, la détester ? Qu'est-ce que son amie raconte ? Elle allait dire tout l'inverse, elle l'aime... D'accord, même à penser, c'est dur. Elle le ressent, l'exprimer correctement viendra après. Tirant sur sa prise, incitant la téléporteuse à la regarder, elle fait face avec surprise à un regard chargé de larmes, désespéré, et la sent trembler dans sa main.

-Je ne te détestes pas, Kuroko, promet-elle d'une voix douce. Pourquoi penses-tu ça ?

-Je... Je n'ai pas réussi à arrêter l'ennemi à temps. Si j'avais agi plus vite, tu n'aurais jamais été blessé. Tu as perdu ton bras, ta mobilité à cause de moi, pleure Kuroko, dévorée par une intense culpabilité qu'elle exprime enfin. C'est ma...

-N'oses même pas dire que c'est de ta faute ! la coupe Mikoto. Viens là, ordonne-t-elle, en la tirant délicatement vers elle.

Il lui faut cajoler quelques instants Kuroko, pour qu'elle accepte de revenir s'asseoir sur le lit à ses côtés, en continuant de pleurer. Patiemment, Mikoto la serre contre elle, essuyant comme elle peut les larmes, lui embrassant le haut du front par moment. Elle attend que Kuroko ne produise plus que des reniflements étouffés, pour la prendre dans son bras, la calant contre elle, sa tête contre son cou, murmurant à son oreille :

-Tu n'y es pour rien, et ne te blâmes pas pour ça. On a été prises au dépourvu par cet ennemi, l'avons sous-estimée et j'ai fait mes choix. Tu as fait de ton mieux, m'as défendu en te mettant en danger.

-Tu ne m'en veux pas ? balbutie la téléporteuse, cherchant de la colère à son égard.

-Non ! proteste fermement Mikoto. Jamais. J'en veux à ce téléporteur. En aucun cas, tu es responsable de mon état. Qui est un faible prix à payer pour que nous soyons en vie. Depuis combien de temps es-tu convaincue d'être la responsable ?

L'obscurité nous entoureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant