Aussi loin que l'on remonte dans le temps, nos ancêtres ont toujours cru, à un moment ou à un autre, en des forces surnaturelles, des forces indéfinissables et supérieures, bien trop hautes pour eux. Mais jamais personne n'a su prouver l'existence de ces entités inconnues. Serait-ce là la définition de ce qu'est une « croyance » ? Car oui, une croyance n'est autre qu'une idée abstraite, basée sur des faits plus ou moins réels ou véridiques, en laquelle on place tous nos désirs et toutes nos peurs refoulées. Peut-être étaient-ce ces nombreuses croyances qui avaient donné naissance à ces êtres de perfection, qui sait ? Dans l'imaginaire collectif, tout du moins, ils sont les seules entités capables d'être si irréprochables : là était la chose la plus lourde à porter sur leurs faibles ailes. Ils se devaient d'être les meilleurs pour nous, simples humains vêtus d'un piètre manteau de minables péchés. Ils se devaient d'être l'œuvre ultime de Dieu, celle dont Il pourrait à jamais être fier.
Jamais l'idée d'ailes brisées n'est venue effleurer vos pensées, n'est-ce pas ? Eh bien, il en va en quelque sorte de soi puisque tel était le choix de ceux qui ont transmis ce mythe. Oui, cette histoire a été créée de manière assez simple. Deux points s'y opposent, sans réelles nuances : le Bien et le Mal. Dieu est bon, trop bon, alors ses suivants le seraient également ; Lucifer est mauvais, trop mauvais, alors ses spectres le seront indéniablement. Ne serait-ce pas une vision biaisée de cette vieille légende ? Ne pourrait-on pas y ajouter quelques teintes ? Après tout, les histoires ne sont-elles pas toujours amenées à changer ? Car laissez-moi vous poser une question : si nous, simples créations de Dieu, sommes l'essence-même de l'imperfection, pourquoi tous ces êtres, simples créations de Dieu également, ne pourraient pas l'être tout autant ?
N'êtes-vous pas convaincus ? Seraient-ce mes mots qui vous laissent perplexes ? Laissez-moi donc éclaircir les choses les plus importantes. Chaque mot comporte son poids. A l'image de nos croyances, rien n'est laissé au hasard. Tout a un sens. Chaque élément, chaque phrase, chaque mot a une raison, une signification bien précise. Il faut parfois savoir lire entre les lignes pour voir la beauté dans le néant.
Donnez-moi un mot, un simple mot, peu importe lequel, je pourrais vous donner mille et une façons de l'interpréter, de le détourner. Prenons un exemple dérisoire : un « mot ». Un simple mot peut être porteur de lourds secrets, de lourds compromis, de lourds mensonges. Un mot peut sauver une vie mais surtout en détruire une. Un banal mot peut vite devenir bien plus meurtrier que l'arme la plus sanglante. D'un court mot écrit, tout peut brusquement se briser. Ce ne sont que des lettres reliées les unes aux autres qui peuvent pourtant être tellement douloureuses. Il suffit de quelques mots bien choisis pour sauver des vies, et il en faut encore moins pour tout détruire. Les mots sont porteurs de lourds affects et c'est bien souvent à nos dépens que leur réel sens nous est dévoilé.
Oui, les mots sont, sans le moindre doute, la pire arme qui nous ait été offerte.
Les mots seront-ils bien choisis ? Pourrions-nous espérer une fin heureuse ? Quelle question étrange. Cela ne serait-il pas comme si vous me demandiez de lire l'avenir ? Et selon vos croyances, seul Dieu est capable d'écrire l'Histoire, passé, présent et futur, non ? Il existerait ainsi l'ultime auteur, celui qui écrit les personnages, leur vie, leur mort. Ne serions-nous donc que de simples personnages d'une grande histoire qui n'est même pas la nôtre ? Si pathétique.
Oui, c'est si pathétique de ne même pas choisir les mots qui dessineront notre avenir mais ainsi sont les choses et aussi loin que l'on remonte dans le temps, il n'en a jamais été autrement. Car, en effet, malgré les croyances des uns et des autres, rien ne sera jamais prouvé, rien ne restera à jamais inchangé, jamais rien ne durera éternellement. Oui, tout sera à jamais d'une éphémérité détestable. Que ce soit la gloire, la beauté ou encore les sentiments, tout finira tout simplement par mourir désespérément.
Mais bien évidemment, vous me direz que je ne suis personne pour avancer de telles choses et, à vrai dire, vous aurez tout à fait raison. Je ne suis personne. Une simple plume sûrement bien insignifiante aux yeux de tous. Oui, une simple voix éphémère qui ne sera probablement jamais entendue dans l'immense univers qui nous entoure mais après tout, devrais-je pour autant me taire ? Car si, selon vos croyances, Dieu ne laisse rien au hasard, les mots que je m'apprête à écrire, l'histoire que je m'apprête à compter n'est-elle pas tout simplement le signe de la fatalité ? Alors oui, je ne suis personne, au même titre que vous, je ne suis que poussière. Mais laissez-moi partager avec vous un semblant de cette chose qui montre que rien n'est jamais écrit. Oui, à l'image de ces personnages qui prennent vie sous la plume de leur créateur sans que ce dernier n'y puisse rien, laissez-moi vous prouver que même ce Dieu que vous vénérez tant ne peut parfois pas tout contrôler et que même lui peut parfois être dépassé par les actions de ses propres pantins. Laissez-moi vous ouvrir les portes sur une histoire qui n'aurait dû exister. Laissez-moi vous montrer que même « personne » peut se transformer en « quelqu'un ». Laissez-moi vous prouver que même ces êtres qui dessinent l'objectif de perfection que nous désirons tous atteindre ne valent en réalité pas mieux que nous. Laissez-moi vous montrer que vos croyances ne recèlent pas toute la vérité. Laissez-moi vous montrer que même la plus belle des histoires finira par se terminer. Oui, en tant que « personne », en tant que simple voix, en tant que vulgaire voix, laissez-moi une chance de vous montrer l'envers de vos croyances, laissez-moi vous montrer que tout a toujours été et restera toujours cruellement éphémère.
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Éphémère [BxB]
RomanceAylan est un jeune homme de 21 ans à la vie plus que normale. Ses journées ont toujours été comme celles de n'importe qui : étudier, travailler, s'amuser avec ses amis et passer du temps avec celle qu'il aime. Toutefois, puisque le temps ne peut êt...