Chapitre 2 : Elion

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«Il est grand temps d'arrêter tout ça.»

Mes pas s'arrêtent, le silence s'installant dans la lumière pâle, alors que je ne sais pas si je désire réellement me tourner.

« Toutes ces crises me fatiguent. Bon nombre de fois tu as été prévenu, c'est aujourd'hui que tout s'arrête. »

Je serre les poings, souhaitant me contenir comme je le fais depuis si longtemps, et me tourne, lentement, tentant de feindre un calme déjà inexistant.

« Tu sais très bien que ce ne sont pas des crises. Vous savez que j'ai raison et ça vous fait peur.
- Peur ? Crois-tu sincèrement que tu pourrais faire peur à quiconque?
- Si ce n'était pas le cas, je ne serais pas enfermé ici depuis si longtemps. »

Malgré tous ses efforts, je vois bien qu'elle ne sait que répondre. Ils détestent tous ça, ils me détestent tous. Parce qu'ils savent parfaitement qu'au fond, j'ai raison. Ils ont réalisé depuis bien longtemps qu'ils ne sont que des pantins, que nous sommes tous de simples poupées dont l'existence ne tient qu'à un fil, triste et éphémère. Et ils se refusent tous à l'accepter. Ils refusent de voir que, malgré tout, nous ne valons guère plus que n'importe quel mortel.

« Tu finiras par regretter tes paroles. »

Brisant le silence, mon père s'avance, le regard sombre.

« Je ne regretterai rien, vous serez ceux dont les remords hanteront vos dérisoires existences. »

Soudainement, un bruit sourd retentit. Comme le bruit d'un marteau venant embrasser une planche, seul le silence s'en suit. Nous savons tous ce que cet ultime bruit signifie. A vrai dire, je m'y étais déjà préparé, je savais bien que ce jour finirais par naître, c'était plus qu'évident, je ne pouvais simplement pas dire exactement quand. Chaque fois qu'un ange pose problème, la sentence vient à être prononcée.
Malgré le caractère pourtant assez récurent de toutes ces séances devenant de plus en plus quotidiennes, les mêmes murmures parcourent la salle. Il est vrai que, d'après mes souvenirs tout du moins, ce sera la première fois qu'un archange subira une telle sentence. Habituellement, seuls les êtres les plus faibles osent s'opposer aux lois qui nous régissent, assoiffés de pouvoir, de reconnaissance ou de je ne sais quoi d'autre. En somme, rares sont ceux à posséder une bonne place et à tout de même se plaindre.
Et c'est sans le moindre doute pour cela que tous me méprisent. Chaque fois que je prononçais ce genre de discours, tous me regardaient, me détestaient, et malgré tout, je n'ai jamais arrêté. Et me voilà, aujourd'hui, face à l'ultime voix.

« Archange Elion, veuillez-vous avancer. »

Sans le moindre regard autour de moi, je fais ce qu'Il me demande. Tous ces bruits ont cessés, ils savent qu'en sa présence, rien ne doit avoir lieu, parce qu'ils le craignent tous, ils savent qu'Il est l'ultime pouvoir et qu'en un claquement de doigt, nous pourrions tous ne plus être que poussière. Et ils sont tous apeurés à cette idée.

« Pour vous punir de votre manque de noblesse et de reconnaissance envers votre créateur, vous devrez purger une peine de 186 jours humains parmi eux. Lorsque ce temps se sera écoulé, et que ce sablier se sera vidé, vous serez réintégrer à votre place si vous le souhaitez. Dans le cas contraire, et selon votre comportement durant votre exil, vous vous verrez démunis de vos fonctions. D'ici à ce que le procès reprenne, toute trace de votre présence céleste sera effacée, mais votre sagesse se devra d'être retrouvée. »

Un silence pesant m'entoure. Ils sont tous surpris de me voir simplement envoyé parmi les mortels. Le seul à avoir osé pécher parmi nous avait été puni bien plus sévèrement, sans doute devaient-ils penser qu'il en serait de même pour moi. Et, à vrai dire, j'en étais persuadé aussi. Le châtiment qui m'est incombé me laisse des plus perplexes.

« Aujourd'hui débute votre mise à l'épreuve. »

Un nouveau coup résonne et, en quelques secondes, je sens une atroce douleur. Mon corps tout entier semble s'enflammer, comme si j'étais jeté dans les Enfers, comme si tout espoir de vie m'était retiré. Et pourtant, j'en suis persuadé, même la mort serait plus douce. Sûrement pour cette raison n'ont-ils pas désiré me laisser en finir.
Le sol se dérobe sous mes pieds, et ma poitrine se serre si fort que les larmes commencent à glisser sur mes joues. J'aimerai que tout s'arrête, j'en viendrais à désirer brûler dans les flammes de Satan plutôt que sentir mes ailes me quitter.
Je les déteste, lui et tous les autres. Et j'espère qu'un jour, tout viendront à ressentir la douleur qui me ronge depuis toujours.
Peu à peu, la douleur disparaît, et mes paupières se ferment. Les ténèbres m'enlacent délicatement, alors qu'une étrange odeur que je n'avais encore jamais sentie me réchauffe. Comme si l'univers entier m'enlaçait, une impression de fin calme me touche finalement avec délicatesse.
Qu'est-ce que... ?

Éphémère [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant