Troisième nuit

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Lorsque les voix se lèvent doucement dans le silence d'une nuit d'hiver, à l'approche d'un moment qui se devait d'être le plus beau, la dernière note d'une magnifique symphonie, le mot final d'un poème trop court, la fin d'une relation immortelle, un simple accord faux et tout se détruit douloureusement. Les doutes peuvent parfois être source de douleur immense, d'incompréhension infinie, ou de blessures insoignables, mais lorsque ces doutes touchent à une personne qui nous est chère, comment parvenir à les contrôler ? Lorsque l'on croit blesser une personne qui nous faisait confiance, une personne que l'on désirait juste protéger et chérir, n'est-ce pas comme mourir encore et encore, à chaque nouvelle pensée ? C'est comme si la lumière devenait ténèbres, comme si le Phénix devenait Cerbère, comme si la vie devenait sommeil éternel. Oui, quand notre esprit est entrainé dans une longue torture infinie, même la nuit n'est plus assez forte pour nous blesser. Le temps nous brûle lentement les ailes, notre cœur se serre lourdement, et seul son regard persiste encore en nous. C'est comme si chaque mot, chaque geste, chaque expression s'imprimait lentement en nous, se gravait sur notre peau, et que rien ne pouvait laisser en paix la peur qui nous envahit délicieusement.

Alors que l'aurore ne semble vouloir baigner la terre, les étoiles seules règnent en maitre sur le ciel, miroir des doutes qui nous habitent. Même les croyances les plus folles nous abandonnent, seuls les tic-tacs de l'horloge retentissent. Bientôt tout se terminera, il ne restera plus rien d'un plaisir avant si présent, et ils se rient tous de voir que la mort s'approche petit à petit. Des sentiments à peine éveillés s'enferment peu à peu dans le regard que la personne aimée nous portait, alors que nous attendons simplement une fin qui s'amuse à nous faire attendre encore et encore.

Chaque erreur, chaque moment, chaque sourire éveille un désir de se retrouver, de se découvrir, de s'aimer, mais rien ne peut aider à reconstruire une personne brisée. Et, lorsque le temps se referme, comme une blessure du passé qui ne peut s'effacer, il y a des dessins qui ne peuvent disparaitre. Lorsqu'une marque prend place sur nos cœurs, sur nos âmes, il n'y a rien capable de l'effacer. Elle devient comme l'épine d'une rose plantée dans le cœur de deux amants maudits, deux amants qui n'auraient peut-être pas dû se toucher, se connaitre, se ressembler.

Un chemin peut-être simple à tracer, il suffirait de suivre la voix de celui qui fait vibrer notre cœur, l'écouter jusqu'à en mourir, mais lorsque nous ne sommes que de simples marionnettes, il y aura toujours un marionnettiste pour nous guider et nous imposer ses propres règles. Ainsi, la seule question que certains parviennent à se poser serait de savoir comment le libre arbitre pourrait réellement exister, comment l'existence même de l'amour pourrait être réelle. Mais lorsque l'on comprend que la vie ne devient qu'un simple artifice pour se délecter de la présence d'autrui, tous nos doutes quant à nos propres affects ne deviennent-ils pas que simple illusion ? Après tout, lorsque la simple distance nous ôte tout sentiment de sécurité, n'est-ce pas synonyme que quelque chose de fort, dépassant même une quelconque puissance divine, arrive parfois par simple hasard ? Il n'est jamais vraiment possible de tout planifier, à la seconde près, n'est-ce pas ? Alors pourquoi remettre en doute, une fois la nuit tombée, tout ce que l'on éprouve pour celui avec qui on se bat depuis si longtemps ?

La vie n'est qu'un large tissu de mensonges, de douleur, d'attente, et la passion reste la seule chose capable de la rendre plus belle, moins dérisoire. Mais lorsqu'il y a du bonheur, la tristesse n'est jamais bien loin, et les souvenirs finissent toujours par remonter, entrainant avec elles un flot d'appréhensions diverses mais toutes très lourdes. Serait-ce pour cela que personne n'aime rester éveiller la nuit ? Serait l'obscurité qui encourage ces démons à se réveiller au plus profond de nous ? Peut-être que oui, comment affirmer le contraire lorsque nous n'avons pas la moindre preuve à l'appui ? Mais un seul coupable serait bien trop simple, et le tissu de la vie n'est jamais si simple. Il y aura toujours une quantité impossible à définir de fils, tous plus longs les uns que les autres, s'emmêlant encore et encore sans que nous ne sachions honnêtement quoi faire, mais il est impossible de les laisser s'emmêler seuls, il y aura toujours une personne peu attentive qui sera responsable des nœuds formés entre chaque partie de cette vie qui nous répugne parfois tant. Et, souvent, nous serons seuls coupables, bien que cela soit si difficile à accepter. Il n'y a jamais de fumée sans feu, n'est-ce pas ? Mais il n'y aurait pas de feu s'il n'y avait rien d'inflammable : nous sommes les seuls capables d'arrêter ou non ce feu, parce que nous sommes l'élément déclencheur de ce dernier.

Comme si les pétales d'une rose pourtant innocente se mettaient à brûler, il n'y aurait personne d'autre à blâmer, n'est-ce pas ?

L'infini est une chose ridicule, impossible à définir,mais si belle que chaque fois, ce terme prend un nouveau sens. Le temps, lui,sera à jamais infini, mais chaque personne possède sa propre horloge qui, tôtou tard, signera sa fin. Puisque personne n'est infini, et les sentimentsencore moins. Mais le temps est justement cruel puisqu'il s'amuse de cettelourde idiotie. Alors, lorsque les pensées reprennent le dessus, un doux soird'hiver, faut-il vraiment laisser parler ses propres sentiments ? Oufaut-il simplement fermer les yeux, arrêter de penser et se laisser porter parles bras si doux de Morphée, Hypnos ou qui que ce soit d'autre ? Voilà unequestion bien difficile, impossible à résoudre, puisque la douleur n'est pasune chose que l'on peut contrôler.

Éphémère [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant