Quatrième nuit

66 5 0
                                    

Lorsque le soleil se couche et que la lune se lève, la vie s'éteint peu à peu, laissant simplement place aux ombres délicates de ceux qui se perdent dans les ténèbres d'un temps infini. Peu réalisent alors la beauté de ce nouveau monde dévoilé, un monde que seules quelques personnes découvrent. Comme si chacun entrait dans un nouvel univers, deux portes s'offrent tout d'abord à tous, là est le plaisir que n'offre que le doux voile de Nyx. La première porte est bien souvent celle que tous choisissent. Puisque la nuit est synonyme de noirceur, beaucoup y trouvent une certaine appréhension et préfèrent l'oublier, ainsi Hypnos trouvera toujours de belles âmes pour lui tenir compagnie lors des soirées d'hiver. Mais la seconde porte est peu empruntée, elle est bien souvent celle que tous laissent de côté, celle qui effraie l'univers tout entier. Parce qu'elle est dans sa simplicité la plus compliquée. Peu de personnes la désirent, peu lui laissent le temps d'exister. Pourtant, derrière elle se trouve une infinité de possibilité. Elle est la clé ouvrant tous les désirs, là où chacun peut façonner sa réflexion comme il le souhaite, un univers où seul le désir est maître. Comme une page blanche, elle ouvre le regard de ceux qui le désirent vers de nouvelles couleurs, vers de nouveaux sons, vers de nouveaux sens. Laissez un enfant peindre et vous pourriez être surpris par sa sensibilité.

Lorsque la seconde porte est franchie, rien ne sert de vouloir imposer une liberté particulière. Puisque la liberté n'a pas vraiment de définition. Ce n'est qu'un mot parmi tant d'autres, silencieux, vide de sens, une simple suite de lettre parmi tant d'autres. La seule signification qu'il pourrait prendre serait celle que chacun lui donnerait.

Rien n'est jamais vraiment écrit, et il ne peut jamais y avoir que deux choix face à nous. Mais tout commence toujours par une première décision. Se laisser bercer par les bras de Morphée ? S'ouvrir au danger ? Chacun fait son propre choix, chacun découvre avec délicatesse son propre désir.

Mais alors que les fleurs se referment, une douce musique peut résonner et entourer de ses belles notes deux amants dont le cœur même ne sait réellement ce qu'ils désirent. Pénétrer dans l'inconnu est une décision bien rare et pourtant souvent délectable. Comment découvrir seul ce qui est bon et ce qui est mauvais ? Tout est bien meilleur à deux.

Parce qu'être deux n'est plus synonyme de solitude, de douleur, de peur, de souffrance, n'est-ce pas également en un sens synonyme de liberté ? Lorsque deux corps s'enlacent, ne pensant plus au lendemain, ne doutant plus de rien, désirant simplement ne faire plus qu'un, même un quelconque dieu ne trouve réellement quoi que ce soit pour y mettre fin. Les brûlures ne sont plus synonymes de rien, la chaleur ne montrant que la folie qui parcoure deux amoureux fous, et même les âmes tourmentées qui les entourent ne peuvent rien y faire. La luxure n'est pas chose conseillée, mais elle est le seul moyen de marquer l'autre jusqu'à la fin, si une fin peut réellement exister. Il y a des choses qui se complaisent dans le péché, et il y a en a d'autres qui se graveront dans le temps.

Les aiguilles semblent s'arrêter. Le regard du ciel disparait peu à peu. Seuls les contacts physiques deviennent vitaux. Tous les souvenirs remontent lentement et chaque baiser n'est plus qu'excuse pour s'imprégner un peu plus du corps de l'autre. Seuls le moment présent est important, parce que l'avenir ne saurait exister sans apprécier chaque infime seconde qui nous entoure.

Un souffle chaud venant douloureusement se poser contre la peau blanche de cet ange avant si innocent, ses lèvres ne peuvent se résoudre à abandonner celles de celui qu'il avait tellement désiré, malgré chaque erreur passée. La pièce entière s'emplit lentement d'une sombre brume, d'un désir qui se voudrait encore vague d'aller toujours plus loin, d'explorer le péché ultime. Rien ne trouve alors son sens, son importance. Rien, si ce n'est le sens d'un mot trop longtemps ignoré. Se délectant de chaque caresse, de chaque soupir, de chaque baiser, le noir de la nuit embrasse lentement leurs deux corps, et toute autre porte se referme lentement, comme dans l'unique espoir de leur laisser l'intimité qu'ils ont si longtemps mérité. L'esprit vide, plus rien ne semble exister, perdu dans ce plaisir si longtemps désiré mais retenu. Chacun soupirant le prénom de sa moitié, se complaisant avec délicatesse dans cette relation interdite, de fins bruits de battements réguliers se font entendre, avec une parfaite harmonie presque irréelle. Ils avaient chacun été le fruit défendu de l'autre durant trop longtemps, si bien qu'ils se complaisaient alors à détruire ces barrières entre eux. Oui, ils n'étaient peut-être pas le meilleur exemple à suivre, mais comment passer outre ces deux corps se complétant à la perfection l'un l'autre ? Plongés dans ce noir complet, même les anges devenaient jaloux de ce qu'il naissait entre leur frère et ce simple humain. Cette chose qu'ils voulaient tous tant connaitre prenait vie entre eux, ils en devenaient la personnification même. Et sous le regard attentif de ces êtres célestes, tous ces interdits si souvent répétés devenaient la définition même du vide.

L'infini ou la liberté, deux notions si longtemps perdues, devenaient vitale entre ces deux corps dont la nuit embrassait chaque parcelle. Il aurait peut-être été plus simple de suivre la route qui leur était tracée, ou encore de s'arrêter lorsque les signes de leur rapprochement devenaient trop douloureux, mais ils avaient luttés, et voilà que leur récompense leur était offerte.

Mais peut-on réellement aller contre son propre destin ?

Éphémère [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant