Cinquième nuit

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Allongé sur le lit, les mains couvertes de sang, les pensées embrumées, il regarde la lune lentement se coucher, laissant doucement place aux rayons faibles du soleil. Le paysage est beau, mais tout lui parait sombre. Pas même toutes ces couleurs ne parviennent à le calmer. Ses cheveux trempés masquant son regard vide tentent de cacher sa douleur et les larmes qui coulent de ses prunelles encore gonflées. Il voudrait hurler, encore et encore, mais même sa voix ne parvient plus à se faire entendre. La douleur est trop forte, presque insupportable. Il aimerait l'oublier, faire comme s'il n'avait été qu'un rêve, pur et futile, fébrile, mais tout autour de lui ne fait que lui rappeler cette nuit, celle qui avait été comme l'apogée de son bonheur, celle où ils se pensaient invincibles, avant que tout ce qu'ils avaient construit ne tombe en mille morceaux. Ils s'étaient fait une promesse qu'ils ne pourraient jamais honorer, emportée par la brise d'un lourd matin d'hiver avant même leur réveil. On leur avait volé tout espoir, et leurs cœurs s'était également brisés.

Le son de la guitare s'est arrêté, il n'y a plus la moindre musique capable de les apaiser. Chaque note n'est qu'un douloureux souvenir de l'autre, et lorsqu'on perd ce qui nous poussait chaque jour à nous lever, il n'y a rien de plus cruel que ces souvenirs. La mémoire est la seule chose qui nous reste, et ainsi, la seule chose capable de nous blesser plus que tout autre chose. Chaque détail devient comme une illusion et tout semble soudainement bien sombre. Alors, comme si c'était possible, on cherche à tout oublier. On voudrait oublier chaque sourire, chaque larme, chaque caresse, mais il est impossible d'y parvenir lorsque ce sont toujours les mêmes images qui nous obsèdent. Il semble parfois que notre corps ne peut accepter ce que notre cœur tente de désirer, malgré toutes nos erreurs, toutes nos cicatrices, toutes nos prières, parce que la souffrance se complait parfois dans notre douleur, et que la nature humaine se veut d'espérer là où plus rien n'est à attendre.

L'espoir est l'arme par excellence. Il n'y a pire sentiment que celui d'espérer dans l'inconnu. Parce que l'inconnu est à la fois tout, à la fois rien. Il semble toujours vide mais cache en réalité chaque fois plus de secrets, et en son sein se trouvent toutes nos peurs. Oui, il y a des fois où le monde se complait dans l'erreur parce que l'ignorance est encore pire. Alors, de tout temps, tous ont cherché à trouver des explications là où il n'y en avait pas vraiment, de là sont nés les mythes, les comptes, les croyances. Et même les erreurs n'aident pas forcément à apprendre. Certaines fois, l'erreur est plus douce que la vérité, et plus on se noie dans cette coupe si délicieuse, plus il est difficile d'en sortir.

Alors certains attendent que la tempête passe, et d'autres ne peuvent accepter que le temps puisse continuer de courir. Ils voudraient tout arrêter, revenir en arrière, réparer leurs erreurs, tenter de garder ce qu'ils désiraient si fort encore longtemps, mais, baigné par l'aurore aujourd'hui si cruelle, rien ne semble vouloir exaucer leur demande. Sa demande. Il est comme sourd, et il le sait, mais c'est beaucoup trop difficile de le reconnaitre. Malgré la fatigue, le sommeil ne vient pas. Et il ne viendra peut-être plus jamais vraiment. Comment dormir lorsque l'on sait que l'autre a disparu, qu'il ne pense peut-être déjà plus à nous, qu'il est peut-être bien plus heureux sans nous ? Encore une fois, l'ignorance est trop douloureuse. Il serait beaucoup plus simple d'oublier, mais l'oubli ne laisse jamais vraiment le choix à ceux qui le demandent. Il se rie d'eux, et attend simplement que tout se termine.

Plus de chaud ou de froid, plus de bonheur ou de douleur, plus de noir ou de blanc. Tout est simplement fini. Tristement fini.

Éphémère [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant