Chapitre 12

4.8K 341 18
                                    

Ethan

Thibaut s'avance vers moi, un gobelet de café entre les mains. Il me le tend, un sourire moqueur sur les lèvres.

— Je crois que tu en as besoin.

— J'ai l'air si mal en point que ça ?

Il se met à rire tout en poussant mon fauteuil à l'intérieur de l'ascenseur. Je jette un rapide coup d'œil dans le miroir placardé sur la paroi du fond. J'y distingue le reflet d'un homme soulagé, heureux d'avoir pu chasser les démons, qui s'accrochaient comme des sangsues dans son esprit. Ma bouche esquisse un petit sourire de vainqueur. Je me suis bien battu. Je me sens libéré de cet énorme poids, qui me pesait depuis trop longtemps sur la poitrine. Cette rencontre avec Bénédicte, dont j'avais une peur bleue, s'est soldée par une cuisante victoire sur moi-même. Ajoutons à cela, mon nouveau rôle de parrain, et le tout résulte sur une sensation des plus agréables pour mon esprit si teinté de noir.

— Alors ! Comment ça s'est passé ?

Je souris comme un gamin en repensant à ces dix dernières minutes. Courage et combativité font à nouveau partie de mon vocabulaire.

— Mieux que je ne l'aurai imaginé ! je prononce dans un murmure.

Il frappe affectueusement mon épaule alors que nous franchissons le hall de l'hôpital. Bizarrement, cette épreuve me semble moins compliquée qu'à l'arrivée. Certainement à cause de mes pensées, qui dérivent encore au premier étage de ce bâtiment, dans cette chambre où j'ai secrètement fait une promesse à ce bébé.

Putain ! Je crois que ce môme a le même pouvoir sur moi que "l'emmerdeuse"!

Une fois dehors, je respire à plein poumon l'air doux de ce mois de mai. Je redécouvre l'odeur de l'herbe fraîchement tondue et tous les petits détails que j'ai omis de regarder pendant ces trois derniers mois. J'étais tellement obnubilé par ma colère que j'ai zappé tout ce qui m'entourait. Le chant des oiseaux. Le vent qui gifle lentement mon visage. La chaleur du soleil sur ma peau. La palette incroyable de couleurs qui se dévoile autour de moi. Je laisse Thibaut me donner un coup de main pour m'installer sur le siège passager et la voiture démarre. J'ouvre la vitre, mes yeux balayant les rues de cette ville, que je ne connais que trop bien.

— Les collègues demandent souvent de tes nouvelles.

Je remballe ce sourire niais qui persiste à rester sur mes lèvres, et je tourne la tête vers Thibaut. Je suis parfaitement conscient de les avoir éloignés volontairement de ma vie. Je me suis enfermé dans une bulle en rejetant tout contact extérieur. Tout ce qui avait un rapport de près ou de loin avec la Gendarmerie me faisait flipper. Pourtant, je rêve de réintégrer ma deuxième famille. C'est complètement contradictoire, mais l'inconscient donne matière à réfléchir. Il nous force aussi à faire des choses contre notre propre volonté, comme zapper tous les gens qui se préoccupent de ma santé. Aujourd'hui, cette bulle se fendille, me permettant de m'ouvrir enfin aux autres.

— Je suis désolé ! je marmonne entre mes dents.

— Personne ne t'en tient rigueur, tu sais ? À ta place, je crois qu'on aurait tous réagi de la même façon.

Je ferme les yeux, ma tête reposant contre le siège, et je souffle lentement.

— Ce que tu as vécu est un des pires scénarios que l'on peut imaginer, explique-t-il en me lançant un rapide coup d'œil. Quand on fait ce métier, on sait parfaitement à quoi on s'expose. Tous ces dangers auxquels on fait face nous rendent toujours plus vigilants, mais il y a des risques qui ne peuvent pas être calculés. C'est ce qui s'est produit ce soir-là. Tu ne devrais pas t'en vouloir autant d'être en vie.

la vie arrachée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant